jeudi 6 août 2015

LE VENIN DE LA PEUR

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site giallociaociao.com

Una Lucertola con la Pelle di Donna / Lizard in a woman's skin / Un lézard à la peau de femme / Carole / Les Salopes vont en Enfer de Lucio Fulci. 1971. Italie. 1h42. Avec Stanley Baker, Florinda Bolkan, Jean Sorel, Silvia Monti, Alberto de Mendoza.

Sortie salles France: 18 Août 1976. Italie: 17 Février 1971

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996.
1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Giallo atypique au sein de la carrière de Fulci et pour le genre en lui même, Le Venin de la Peur télescope la psychanalyse sexuelle et l'enquête policière avec un goût assumé pour les climats onirico-diaphanes. Traversé de séquences baroques à l'esthétisme stylisé et de meurtres graphiques audacieux (le meurtre de Julia et l'éviscération des chiens restent dans les mémoires pour leur verdeur crapuleuse !), Lucio Fulci nous brode une intrigue tortueuse, un brin confuse (les dialogues ont une grande importance !), autour des frustrations sexuelles d'une épouse trompée. Carole est persécutée par ses cauchemars fantasmatiques au cours duquel elle se laisse séduire par sa voisine de palier, Julia, célibataire lubrique adepte des séances d'échangisme parmi de jeunes hippies. Autant dire que la drogue hallucinogène est également de la partie ! Par le biais de ses rêves récurrents parfois morbides, elle décide de consulter un psychiatre afin de démystifier sa névrose. Mais peu de temps après ses séances, sa voisine Julia est retrouvée morte assassinée à l'aide d'un coupe-papier ! C'est à dire dans les mêmes circonstances que Carole avait précédemment confiées à son thérapeute. Chargé de l'enquête, l'inspecteur Corvin suspecte au premier abord le mari infidèle de Carole sachant que cette dernière révélait sur un carnet les détails de ses cauchemars. 


Expérience érotico-horrifique au pouvoir de fascination indicible, le Venin de la Peur peut également se définir comme un bad trip psychédélique sous l'impulsion de personnages peu recommandables, la bourgeoisie se disputant la mise parmi l'arrogance d'une jeunesse marginale sous LSD. Fleurant au premier abord les cimes du Fantastique par l'entremise des rêves érotico-morbides que fantasme notre héroïne, Lucio Fulci s'avère particulièrement inspiré à illustrer des séquences fantasmagoriques surgies de la psyché de l'héroïne, quand bien même la beauté sensuelle des actrices italiennes apporte une touche charnelle à l'aura de déviance criminelle. Rêve et réalité se confondant dans l'esprit torturée de l'héroïne en quête de vérité et de nous immerger dans une vicissitude ensorcelante en perte de repères. Empruntant au premier coup d'oeil le thème de la clairvoyance parmi un propos psychanalytique, l'intrigue bifurque ensuite vers l'enquête policière que des inspecteurs sur le qui-vive mènent scrupuleusement avant que Fulci nous expérimente des courses-poursuites inquiétantes que Carole doit déjouer au péril de sa vie. La posture extravagante des personnages secondaires épousant notamment une démarche aussi provocatrice qu'hostile dans leurs coups-bas et stratagèmes perfides. Emaillé de rebondissements et d'inévitables fausses pistes quant à l'identité du tueur, le récit finit par y extraire un suspense aussi captivant qu'exponentiel au fil d'évènements dramatiques et d'une investigation décuplant les indices sans modération. Si on devine finalement l'identité du coupable, la manière singulière dont Fulci nous aura structuré son puzzle criminel autour de fulgurances baroques, et le portrait pessimiste fustigé à la nature humaine, continue de provoquer chez nous un émoi hypnotique. 


Pièce maîtresse du Giallo hétérodoxe, Le Venin de la Peur semble aujourd'hui encore plus vénéneux, expérimental et cauchemardesque sous l'effigie immaculée du Blu-ray supervisé par nos confrères Le Chat qui fume. Un spectacle d'une beauté baroque et sensuelle à couper au rasoir, l'onirisme macabre se disputant la vedette parmi la stylisation de visions d'horreur dérangeantes. Au-delà de son parti-pris formel, de la puissance de son élégie musicale et de sa narration en trompe-l'oeil, Lucio Fulci en profite pour caricaturer la psychanalyse de comptoir et le saphisme refoulé du point de vue d'une femme-lézard en gestation ! 

Remerciement à Philippe Blanc et au Chat qui Fume.

Bruno Matéï
4èx
06.08.15
01.10.10 (268)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire