vendredi 25 octobre 2013

Les Révoltés de l'an 2000 / ¿Quién puede matar a un niño? / Who can kill a child ?

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinaff.com

de Narciso Ibanez Serrador. 1976. Espagne. 1h50. Avec Lewis Fiander, Prunella Ransome, Antonio Iranzo, Miguel Narros, Maria Luisa Arias, Marisa Porcel, Juan Cazalilla.

Sortie salles France: 2 Février 1977. Espagne: 26 Avril 1976

FILMOGRAPHIE: Narciso Ibanez Serrador est un scénariste, producteur et réalisateur uruguayen, né le 4 Juillet 1935 à Montevideo (Uruguay).
1969: La Résidence. 1976: Les Révoltés de l'An 2000 

 
"Et l’enfant égorgea le monde".
Longtemps resté inédit en DVD/Blu-ray en France, Les Révoltés de l'an 2000 est une perle rare signée par un cinéaste discret, natif d’Espagne, qui avait déjà ébranlé les cinéphiles avec un premier chef-d'œuvre de perversité gothique : La Résidence. Sur une petite île, un couple de vacanciers doit affronter une ribambelle d’enfants tueurs. Cette trame, aussi linéaire qu’improbable, s’érige sous la caméra de Narciso Ibáñez Serrador en acmé d’effroi, par sa tension éprouvante, dénuée de toute concession.

La force incisive de ce cauchemar hermétique émane de son thème – l’enfance meurtrie – et d’une mise en scène alerte, qui rejette toute gaudriole grand-guignolesque. À l’image de son générique abominable, franchement insoutenable jusqu’aux larmes, où défilent des images d’archives de crimes de guerre perpétrés contre des enfants. Cette introduction, d’une brutalité extrême, illustre ce que l’humanité peut envisager de pire pour sa propre progéniture en cas de génocide. Passée cette turpitude, le film en extrait une fable contestataire, où des bambins passent à l’action du talion contre la cruauté des adultes.

Quoi de plus banal, après tout, qu’un garçonnet innocent batifolant avec ses camarades dans une ruelle ? Sauf qu’ici, leur environnement insulaire est épargné de toute présence parentale. Serrador tisse alors, avec un sens du suspense latent et un climat de mystère littéralement perméable, une toile d’araignée autour de ce couple désorienté, pris dans le mutisme pesant des citadins.

Et c’est à travers le témoignage de deux survivants qu’ils prendront la mesure du danger. Car ici, les bambins fripons à la bouille angélique tuent, sans la moindre hésitation, tout étranger majeur. Aucune justification n’est donnée pour leurs exactions vengeresses — si ce n’est l’hypothèse d’une haine transmise par télépathie. Ce refus d’explication rationnelle renforce d’autant plus le malaise diffus que perçoit le spectateur, happé dans une impuissance de plus en plus désespérée.

L’enjeu de survie auquel le couple est confronté devient alors d’autant plus malsain que la rigueur du récit les pousse à riposter par une violence intolérable. Mais que dire des enfants goguenards, capables d’exercer des sévices indécents contre l’étranger ? Le vieillard battu à mort à coups de bâton, le jeu de la serpe, la défunte déshabillée par des enfants ricanants, le lynchage du père provoqué par sa propre fille… Par son réalisme âpre et une dimension psychologique terrassante, Ibáñez Serrador orchestre une impitoyable descente aux enfers pour la frêle destinée de ses héros. À l’image de son final nihiliste, d’une intensité dramatique sans compromis, jusqu’au malaise moral.


"L’île aux enfants perdus".
Inquiétant et dérangeant, psychologiquement effrayant et d’une cruauté inouïe, Les Révoltés de l’an 2000 est une épreuve de force d’une rare puissance émotionnelle et d’évocation. À l’image insensée de ce fœtus exterminant, de l’intérieur de l’abdomen, sa propre génitrice — il fallait oser pareille idée tordue ! L’originalité burnée du scénario, la rigueur d’un climat d’étrangeté irrespirable et le jeu étrangement naturel des enfants n’ont jamais été aussi convaincants pour transcender la thématique de l’enfant tueur.

Et si un jour leur révolte avait lieu… serions-nous capables d’enrayer pareille menace planétaire ? Visionnaire au possible, cette date de l’horreur reste d’une maturité indéfectible.

Note : En raison de sa violence jugée insupportable, le film fut interdit en Finlande et en Islande.

RécompensePrix de la Critique à Avoriaz, 1977

*Bruno
23.07.24. 4èx. Version anglaise


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