lundi 7 novembre 2011

L'ENFER DES ZOMBIES (Zombie 2 / Zombie Flesh Eaters).


de Lucio Fulci. 1979. Italie. 1h31. Avec Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Auretta Gay, Stefania d'Amario, Olga Karlatos.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Un an après le succès planétaire de Zombie de Romero, Lucio Fulci est assigné pour concourir les américains en proposant une autre version du mythe teinté d'exotisme. Le producteur Fabrizio De Angelis le contacte sous les recommandations de Enzo G. Castellari pressenti à l'origine pour mettre en scène ce filon lucratif. D'après un scénario de Dardano Saccheti, l'intrigue sera légèrement remaniée afin de suggérer une filiation avec le chef-d'oeuvre de Romero. En dépit d'une sortie en salles expurgée de ses effets chocs les plus sanglants, le film rencontre un énorme succès à travers le monde tandis que la notoriété de Fulci va s'imposer dans l'hexagone. En Italie, l'Enfer des zombies sortira sous le titre fallacieux Zombie 2 si bien qu'il s'agit d'une fausse préquelle. Un bateau sans passager échoue sur le port de New-York. Deux policiers sont convoqués pour inspecter les lieux. A l'intérieur, l'un d'eux se fait sauvagement agripper par un colosse monstrueux lui arrachant la jugulaire. Au même moment, après avoir été interrogée par la police, la fille du propriétaire du bateau part à la recherche de son père disparu sur l'île de Matoul. 


Premier volet d'une quadrilogie fondée sur la mythologie du Mort-vivant, l'Enfer des Zombies  suscite (promptement) anxiété et terreur lors d'un prologue cinglant resté dans les mémoires. En interne d'un yacht, deux flics découvrent avec horreur l'apparition insensée d'un zombie mastard dévoreur de chair. Exacerbé d'un effet-choc sanguinolent illustrant avec soin artisanal un arrachage de gorge concocté par Gianetto De Rossi, Lucio Fulci soigne autant la physionomie du monstre terreux dans un amas de chair décomposée. La touche fulcienne épaulée de ses fidèles collaborateurs (Frizzi, De Rossi, Saccheti) est instaurée avec une signature typiquement latine ! A travers un scénario simpliste et sans surprise, l'originalité du metteur en scène est d'avoir su réexploiter le thème morbide du cadavre récalcitrant pour le faire revenir aux sources du Vaudou. En prime, il implante l'intrigue au coeur d'un décor insulaire exotique permettant ainsi de façonner une étrange atmosphère poético-macabre afin de contraster avec la beauté solaire d'une nature souillée par l'odeur de la mort. A l'instar de ce crustacé se faufilant sur le sol poussiéreuse d'un village décampé d'habitants, alors qu'en arrière fond on aperçoit la silhouette d'un cadavre errant déambulant vers nous. Avec beaucoup d'efficacité dans sa sensualité sépulcrale, Lucio Fulci transcende sa futilité narrative par le biais créatif d'un environnement fantasmagorico-baroque. Dans l'Enfer des Zombies, la peur anxiogène sous-jacente savamment distillée s'approprie instinctivement de chaque décor minimaliste investi dans l'île de Matalou (une salle de bain, un cimetière de conquistador, une chapelle abandonnée, une baraque en bois transformée en chambres d'hospice). La touche personnelle du maître du putride est donc de faire évoluer assidûment ces zombies lymphatiques dans un cadre mortifère littéralement ensorcelant. A contrario des films de Romero, les monstres mourants de Fulci se révèlent des êtres spumescents suintant la puanteur, les larves s'échappant de leur corps malingre. Dans le dortoir où sont stockés les malades affublés de draps insalubres (sang et transpiration corporels), le spectre de la mort hante leurs âmes dans cette chaleur estivale où virevoltent insolemment les mouches.


En intermittence, il fait intervenir des péripéties odieusement tragiques chez certains personnages pris à parti avec les estocades des morts-vivants nantis d'une brutalité animale. Parmi ces exactions vulgaires, impossible d'occulter la mort de Paola Ménard (Olga Karlatos à la beauté méditerranéenne), séquestrée dans sa salle de bain par un zombie voyeuriste pour être ensuite sauvagement agressée par une écharde pénétrée dans son oeil droit. Un effet-choc anthologique zoomé sans coupe renforçant ainsi son impact émotionnel sidérant de bestialité. On peut aussi citer l'incroyable scène aquatique lorsque Susan, partie plonger dans les profondeurs, sera menacée par un requin, alors qu'un zombie spectral surveille également sa proie à proximité. L'ironie du sort est qu'un combat homérique sera entamé entre ce celui-ci pugnace et le squale inopinément offensé. Enfin, la séquence cauchemardesque dans le cimetière des conquistadors est également à souligner lorsqu'une poignée de morts s'exhument lentement de leur tombe alors que l'un d'eux s'empressera de déchirer la gorge de Susan. Le final explosif laisse place à d'autres évènements plus épiques dans son action précipitée avec cette prolifération soudaine de zombies quand bien même le jour laisse place à l'opacité. Ne manquons pas de rappeler non plus que cette mise en scène façonnée par une équipe talentueuse ne serait à son apogée sans le talent singulier d'un musicien de génie, Mr Fabio frizzi. Un artiste inspiré réussissant une fois de plus à composer un tempo funèbre entêtant dans sa lourde sonorité afin de scander une ambiance exotico-macabre irrépressiblement olfactive.


4 décennies après sa sortie, ce chef-d'oeuvre transalpin perdure sans réserve son pouvoir de fascination morbide et de terreur moite sous une impulsion macabre vertigineuse. On sera par contre indulgent sur une direction d'acteurs faillible (le point le plus répréhensible de toute la carrière de Fulci) bien que rehaussée du charismes de trognes de seconde zone (Richard Johnson en tête). Reste à savourer l'essentiel, l'alchimie ambitieuse d'un cauchemar sur pellicule provoquant viscéralement une peur susceptible au travers d'un climat insulaire, et avant que la dernière image iconique, annonciatrice d'une apocalypse planétaire, nous renvoie inconsciemment à l'ascension des Zombies politicards de Romero.

Bruno MatéïDédicace à Fabio Frizzi.
07.11.11. 6èx.

A lire également, l'excellente critique de Leatherfacehttp://deadstillalive.canalblog.com/archives/2011/09/07/21903753.html



2 commentaires:

  1. A noter aussi que le succès de ce film a connu une belle réplique grâce au succès des K7 vidéo dont il fut l'un des premiers fleurons.

    En France, le succès de la collection South Pacific vidéo ne fut pas à négliger, notamment grâce à l'Enfer des zombies, Frayeurs et la Mort au large.

    Bravo pour ton blog !

    Tinterora

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