mercredi 4 juillet 2012

Le Vieux Fusil. César du Meilleur film 1976.

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site muriel.lucot.free.fr

de Robert Enrico. 1975. France. 1h43. Avec Philippe Noiret, Romy Schneider, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl Michael Vogler, Caroline Bonhomme, Catherine Delaporte, Madeleine Ozeray.

Sortie salles France: 22 Août 1975. U.S: 29 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Robert Enrico est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Avril 1931 à Liévin (Pas-de-Calais), décédé le 23 Février 2001 à Paris. 1962: Au coeur de la vie. 1962: La Belle Vie. 1964: Contre point. 1965: Les Grandes Gueules. 1967: Les Aventuriers. 1967: Tante Zita. 1968: Ho ! 1971: Boulevard du Rhum. 1971: Un peu, beaucoup, passionnément. 1972: Les Caïds. 1974: Le Secret. 1975: Le Vieux Fusil. 1976: Un neveu silencieux. 1977: Coup de foudre. 1979: L'Empreinte des Géants. 1983: Au nom de tous les Miens. 1985: Zone Rouge. 1987: De Guerre Lasse. 1989: La Révolution Française (1ère partie: les années lumières). 1991: Vent d'Est. 1999: Fait d'Hiver.


Panthéon du cinéma français auquel des millions de spectateurs l'eurent célébré avec une émotion inconsolable, Le Vieux Fusil est un moment de cinéma d'une telle acuité qu'il est difficile de s'en remettre sitôt le générique bouclé. Car en s'inspirant du massacre d'Oradour sur Glane commis par les nazis en 1944, Robert Enrico nous délivre sans anesthésie un drame éprouvant, haletant, inflexible, insoutenable auprès de la vengeance d'un médecin provincial anéanti par le massacre de sa famille. Alors qu'il mène une paisible existence avec sa femme Clara et sa fille Florence, Julien Dandieu décide de les protéger d'une milice française arrogante en les délogeant vers son château près d'un village champêtre. Contraint de soigner ses malades, il continue d'exercer son devoir de chirurgien, mais, par appréhension, il décide rapidement de les rejoindre. Mais sur place il découvre l'horreur innommable d'un massacre organisé par la 2è division SS Das Reich. Les villageois ayant été rassemblés dans l'église pour être froidement abattus, tandis qu'un peu plus loin, dans son château familial, Julien découvre le corps carbonisé de son épouse et le cadavre ensanglanté de sa fille. Rongé par la haine car anéanti par le chagrin, il amorce une vengeance expéditive en exterminant un à un les criminels nazis toujours présents sur les lieux du drame.


Entrecoupé de flash-back auquel Julien se remémore les tendres moments idylliques avec Clara et sa fille, Le Vieux Fusil ne cesse d'y alterner l'émotion prude du souvenir angélique avec l'appréhension d'une traque impitoyable. Ainsi, avec virtuosité et l'utilisation judicieuse de son décor de bastille souvent confiné dans les dédales souterrains, Robert Enrico planifie une vengeance implacable et méthodique auprès d'un bourgeois pacifiste subitement destitué de sa moralité. La perte soudaine, inopinée de l'être aimé, le deuil insurmontable de pouvoir assimiler le viol en réunion et l'immolation crapuleuse de deux êtres candides. Par conséquent, à travers ces réminiscences nostalgiques imparties à l'amour de sa vie, Le Vieux Fusil nous confronte à l'introspection de cet homme meurtri au confins de la folie. Aux souvenirs élégiaques de l'épanouissement conjugal s'y succédant l'extrême froideur d'une rancoeur vindicative compromise par la haine. Car Julien, toujours plus motivé à tuer, ne laissera nul répit à ces tortionnaires fascistes vautrés dans les beuveries et les balivernes. Oscillant ses souvenirs épanouis teintés d'anxiété (notamment sa perplexité et sa jalousie de mériter une femme aussi radieuse !), et le présent du sordide retour à la réalité, Le Vieux Fusil nous immerge de plein fouet auprès de ces émotions contradictoires avec une intensité constamment bouleversante !


Mais si cette oeuvre écorchée vive s'avère aussi immersive et accablante, elle le doit autant à la complicité naturelle des deux comédiens ! Dans celui du médecin rendu fou de haine et de brutalité,  Philippe Noiret (récompensé du César du meilleur acteur !) insuffle une expression mutique bâtie sur l'affliction du sentiment d'injustice. Le point d'orgue le dévoilant toujours plus solitaire car perdu dans les méandres de la déraison, s'avérant déchirant de détresse démunie. En femme épanouie au regard frétillant de fraîcheur, Romy Schneider symbolise la spontanéité du bonheur avec une tendresse immodérée. Elle crève l'écran au point d'y tomber amoureux, tel le personnage timoré qu'endosse Noiret littéralement happé, enivré par sa beauté angélique. A contrario, la détresse suscitée par Romy d'appréhender sa cruelle mort puis celle de sa fille provoque chez nous une répulsion quasi insupportable sous l'impulsion d'un réalisme somme toute crapuleux.


Le martyr des anges
Illuminé des interprétations déchirantes de Philippe Noiret et Romy Schneider au rythme d'une mélodie mélancolique de François de Roubaix, Le Vieux Fusil est un chef-d'oeuvre d'émotions hybrides. Tant pour la pudeur romantique échangée entre nos amants que de la violence primitive du vindicateur martyrisé par le deuil d'une épuration nazie. En outre, l'audace crue de certaines mises à mort et le caractère haletant de sa justice expéditive y sont transcendés d'une mise en scène géométrique (les décors mortifères faisant notamment office de seconds-rôles). Il y émane un moment de cinéma d'une fragilité émotionnelle escarpée à travers sa quiétude révolue au point d'y être commotionné, ad vitam aeternam.

Romy, je t'aime.

*Bruno
04.07.12. 4èx

Récompenses: César du Meilleur Film, du Meilleur Acteur (Philippe Noiret) et Meilleure Musique (François de Roubaix) en 1976.
César des césars en 1985.

 

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