mercredi 23 avril 2014

Soldat Bleu (Soldier Blue)

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Ralph Nelson. 1970. U.S.A. 1h55. Avec Candice Bergen, Peter Strauss, Donald Pleasance, John Anderson, Jorge Rivero, Dana Elcar.

Sortie salles: 23 Avril 1971

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Ralph Nelson est un réalisateur américain, né le 12 Août 1916 à New-York, décédé le 21 Décembre 1987 à Santa Monica. 1962: Requiem for a Heavyweight. 1965: Les Tueurs de San Francisco. 1966: La Bataille de la Vallée du Diable. 1968: Charly. 1970: Soldat Bleu. 1972: La Colère de Dieu. 1975: Le Vent de la Violence. 1976: Embryo. 1979: Christmas Lilies of the Field (télé-film).


Depuis l'aube de l'humanité, l'homme a écrit son histoire dans le sang. Mais il a aussi prouvé que l'étincelle divine existe en lui. Il y a dans l'âme humaine une part d'ombre qui date du jour ou Caïn a tué son frère. La fin du film montre, sans la moindre hypocrisie, les horreurs d'un combat où la folie sanguinaire triomphe de la raison. Les atrocités ne sont pas commises seulement contre l'ennemi, mais aussi contre des innocents, des femmes et des enfants. Horreur suprême: tout cela a bel et bien eu lieu.  

Western mythique réputé pour sa subversion d'une violence insupportable, Soldat Bleu ébranla une génération de cinéphiles à l'orée des années 70. Si un an au préalable, Sam Peckinpah offrit déjà un coup de fouet au genre par le truchement d'une ultra violence chorégraphiée, Ralph Nelson pousse le bouchon plus loin pour dénoncer l'horreur pure d'un massacre de Cheyennes survenu le 29 Novembre 1864. Ainsi, une unité de cavalerie américaine comptant plus de 700 hommes attaqua un paisible village cheyenne à Sank Creek dans le colorado. Les indiens déployèrent le drapeau américain et un drapeau blanc de reddition. Malgré cela, la cavalerie se lança à l'attaque massacrant 500 indiens dont plus de la moitié étaient des femmes et des enfants. Plus d'une centaine de scalps furent pris, des corps furent démembrés et il y eut de nombreux viols. Le général Nelson A. Miels, chef d'état-major de l'armée, a dit de ce massacre qu'il était peut-être le crime le plus ignoble et le plus injuste de l'histoire des Etats-Unis.


Ce bref monologue dicté au terme de Soldat Bleu est un rappel de mémoire si bien qu'il nous confirme l'authenticité du génocide indien par l'impérialisme ricain. Segmenté en deux parties bien distinctes, le film s'attache d'abord à nous dépeindre la relation houleuse d'un duo d'amants en discorde. Après une guerre sanglante provoquée par les indiens qui aura valu la mort de 21 soldats de son infanterie, Honus Gent, soldat bleu timoré et naïf, rencontre Cresta Lee, une américaine préalablement kidnappée par un chef indien durant deux ans. Livrés à l'abandon, ils vont tenter ensemble de survivre dans le désert hostile avant d'essayer d'atteindre le fort voisin. Incarnés successivement par Peter Strauss et Candice Bergen, la complicité naturelle qu'ils affichent à l'écran doit beaucoup au caractère pittoresque de leur esprit de divergence. Car ici, le cliché de la blonde potiche est détourné au profit du caractère autoritaire d'une femme impudente, délibérée à avouer au  jeune recrue que son armée est responsable de crimes barbares, d'intolérance et de racisme. On est donc loin ici des clichés du western lyrique cher à John Ford avec les gentils soldats américains combattant les méchants indiens détrousseurs de scalps. Qui plus est, l'utilisation de la partition classique aux accents triomphants nous laisse ici un goût amer dans la bouche de par le réalisme toléré aux affrontements sanglants ! Ainsi, à travers les composantes de comédie et de romance, Ralph Nelson réussit facilement à nous attacher à l'évolution humaine de ces personnages apprenant mutuellement à se connaître car confrontés dans une situation de survie. Face à leur témoignage, c'est avec l'arrivée de la cavalerie que le ton va brusquement virer pour illustrer de façon tranchée la guerre d'une expédition punitive. Ce saisissant contraste imprimé sur les 25 dernières minutes s'avère d'autant plus radical et fortuit au gré d'une intensité dramatique provoquant chez nous colère, dégoût, tristesse et malaise. Ainsi donc, à l'aide d'une violence crue n'hésitant pas à verser dans le gore pour les exactions de décapitations, scalps, démembrements, viols et infanticides, Ralp Nelson nous plonge dans une horreur fétide résolument bouleversante. Si bien que le spectateur endure ce carnage cinglant de manière totalement impuissante face à la folie de l'homme littéralement absorbé par sa dérive sadique ! Des séquences innommables inoubliables qui restent encore aujourd'hui d'une intensité fulgurante au point de nous martyriser l'esprit bien au-delà du générique de fin. 


Réflexion sur la cruauté de la vengeance, métaphore sur la guerre du Vietnam, réquisitoire contre la haine et la barbarie, Soldat Bleu reste sans nul doute l'un des westerns les plus crus et burnés que le cinéma nous engendra. Et si de prime abord la romance pittoresque nous eut tant séduit et réconforté, l'horreur gratuite qui empiète leur tranquillité ne nous épargnera aucune dérobade. Inoubliable et éprouvant, avec le coeur meurtri. 
P.S: A réserver à un public averti.

* Bruno 
3èx


1 commentaire:

  1. heureux de trouver une critique (qui plus est positive ) de ce soldat bleu ...c'est surtout un des tout premier qui osa aussi frontalement et crument remettre cette période de l'histoire des états unis dans le bons sens . l'anti John Ford effectivement . dont on retrouvera dans l’extraordinaire little big man avec hoffman , le pic en terme de réquisitoire ,avec un retour sur le massacre de la washita river ... peau de la vielle hutte ton nom en amérindien ) tu a assuré

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