mercredi 15 février 2012

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (Night of the Living Dead)


de Georges A. Romero. 1968. 1h36. Avec Duane Jones, Judith O'Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, Keith Wayne, Judith Ridley, Kyra Schon, Charles Craig, S. William Hinzman, George Kosana, Frank Doak.

Sortie salles France: 21 Janvier 1970. U.S: 1 Octobre 1968

FILMOGRAPHIE: Georges Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York.
1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.


Dans le "fantastique", jamais le cinéma n'avait été aussi loin... Il ne pourra jamais faire mieux...

Inspiré d'une nouvelle de Richard Matheson (Je suis une Légende), Georges Romero, néophyte, réalise en 1968 un petit métrage tourné en noir et blanc, faute de budget restreint, avec en tête d'affiche un acteur de couleur noir (une première dans le cinéma américain !). A sa sortie, le succès est immédiat, l'horreur (sociale) se révèle si réaliste et jusqu'au-boutiste qu'il traumatise nombre de spectateurs peu habitués au caractère sanglant des scènes-chocs. D'autant plus que le mythe du zombie n'avait alors jamais été retranscrit avec autant de réalisme sous la caméra d'un nouveau pionnier de l'horreur. Privilégié par sa renommée commerciale, La nuit des Morts-vivants deviendra l'un des films les plus rentables du cinéma indépendant et reste à ce jour un chef-d'oeuvre subversif d'un pessimisme alarmant ! Dans un cimetière, Johnny et Barbara se rendent sur la tombe de leur père lorsqu'un individu à la démarche chancelante les agresse sommairement ! Durant l'agression, le frère de Barbara succombe après s'être trébuché la tête contre une stèle. Prise de panique, la jeune fille s'enfuit à travers la campagne jusqu'à l'approche d'une ferme abandonnée. Rapidement, un étranger entre par surprise dans la maison pour s'y réfugier alors que d'autres créatures hostiles vont encercler la demeure.
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Avec un préambule aussi percutant, Georges Romero cultive dès le départ une lourde atmosphère anxiogène qui ne va pas lâcher d'une seconde le spectateur ébranlé par une situation improbable. Suite aux radiations d'une météorite écrasée sur terre, les morts se relèvent de leur tombe et agressent les vivants en pratiquant des actes barbares de cannibalisme ! Avec un souci de vérité proche du reportage, exacerbé d'un noir et blanc crépusculaire et de la sobre prestance de comédiens amateurs, cette Nuit des Morts-Vivants s'avère un modèle d'efficacité. Une intrigue empruntant le mode du huis-clos si bien qu'une poignée de personnages contrariés vont se mesurer à leur dissension morale pour tenter de survivre dans leur nouveau foyer précaire. Avec des personnages aussi austères, antipathiques, névrosés et tendus, George Romero nous dépeint leur désarroi, leur incapacité à faire face à une situation qui les dépasse. En traitant notamment avec lucidité de nos rapports inhospitaliers envers l'étranger, de notre orgueil et arrogance à daigner imposer nos idées au mépris de l'autre lorsqu'une situation de crise intente à notre survie. C'est ce qui est illustré sans concession envers nos deux hommes de main de nationalité distincte (un blanc et un noir) s'efforçant communément d'imposer avec contradiction leur code de conduite. A savoir, se barricader contre les créatures en s'installant dans l'habitacle de la ferme ou partir se blottir sous la cave auquel une seule entrée pourrait y laisser pénétrer l'assaillant.


Avec perspicacité, Ben, l'étranger noir au tempérament spontané, va donc tenter d'inciter son entourage à préconiser le rez-de-chaussée parmi le soutien du jeune Tom. Au moment même où ce dernier était préalablement contraint de se cloisonner dans la cave avec sa concubine sous l'influence autoritaire du patriarche Harry Cooper. Mais la peur et la lâcheté émanant de la paranoïa des protagonistes vont être les éléments déclencheurs de leur défaite, faute de leur rivalité caractérielle à réfuter la cohésion pour l'enjeu de survie. Spoiler ! Le climax inopiné se révèle d'autant plus caustique tant et si bien que le réactionnaire quinquagénaire avait finalement prédit la meilleure solution pour se prémunir des offensives des zombies regroupés en masse autour de la ferme. Alors que plus tard, notre unique survivant de couleur noire ira finalement se réfugier en désespoir de cause au sein de ce petit abri pour être innocemment exécuté d'une balle dans la tête par un membre d'une milice organisée ! Fin du Spoil. Dans un climat de tension omniprésent et d'insécurité palpable, la Nuit des Morts-vivants souhaite aussi nous convaincre avec véracité (journaux télévisés en direct à l'appui !) que nos défunts damnés sont condamnés à errer sur terre et nous persécuter pour nous dévorer ! Et en terme d'imagerie gore, George Romero ose franchir les barrières de la transgression avec quelques séquences chocs restées dans les annales. A l'instar de cette orgie fétide auquel des cadavres accroupis dans l'herbe éventrent et dévorent communément les organes de deux victimes immolées. Spoiler ! Ou encore le meurtre paroxystique (bien que suggéré) d'Helen Cooper auquel une bande-son stridente va venir exacerber ces beuglements d'agonie ! Réfugiée dans l'obscurité de la cave, cette dernière éprise d'effroi sera trucider à coups de truelle par sa propre fille ! Fin du Spoil.


Terrifiant de réalisme et jusqu'au-boutiste pour la caricature imputée à notre animosité, Georges Romero nous illustre, non sans cruauté, que l'homme reste un animal pour l'homme puisqu'il est destiné à s'estropier par arrogance et instinct de supériorité. Métaphore sur l'absurdité du conflit Vietnamien, réflexion sur la hiérarchie solidaire, mais aussi réquisitoire contre les dangers du nucléaire, La Nuit des Morts-Vivants nous dresse un implacable constat d'échec quant au devenir de notre civilisation, faute de notre ingratitude et de notre lâcheté. Près de 50 ans plus tard, ce mastodonte de l'horreur n'a rien perdu de son impact social et de sa radicalité à dénoncer l'incommunicabilité entres les hommes. 

16.02.12
Bruno Matéï



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