lundi 28 mai 2012

LES DIABLES (The Devils)

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr

de Ken Russell. 1971. Angleterre. 1h52. Avec Oliver Reed, Vanessa Redgrave, Dudley Sutton, Max Adrian, Gemma Jones, Murray Melvin, Michael Gothard, Georgina Hale, Brian Murphy, Christopher Logue.

Sortie salles France: 29 Octobre 1971. U.S: 16 Juillet 1971

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton.
1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Chef-d'oeuvre d'hystérie ecclésiastique, les Diables relate avec un sens de provocation couillu l'affaire de Loudun dans les années 1630. Cette chasse aux sorcières suggérée par le cardinal de Richelieu était une manoeuvre politique afin éradiquer le père catholique Urbain Grandier, libertin et militant pour la cause protestante. En 1634, dans la ville française de Loudun, le prêtre Urban Grandier est la cible des convoitises de nonnes. Alors que le cardinal de Richelieu souhaite démolir les remparts du temple religieux, Mère Jeanne des Anges, secrètement amoureuse de Grandier, complote de graves accusations de sorcellerie contre lui.
.
.
Oeuvre frappadingue d'une audace incongrue, Les Diables constitue une spirale de folie hystérique lorsque l'intolérance et le fanatisme religieux découlent de superstitions satanistes. En pourfendeur farouche, Ken Russel utilise le délire et l'aliénation poussés à leur paroxysme afin de mieux souligner l'absurdité des mentalités fondamentalistes. Dans une mise en scène extravagante déployant l'architecture (théâtrale) de décors baroques, il nous relate le déclin de l'abbé Grandier, père catholique totalement voué à sa foi spirituelle mais sexuellement libéré auprès de certaines conquêtes féminines. La jalousie de Mère Jeanne, physiquement handicapée et mentalement dérangée, l'accule à être assigné devant un tribunal pour accusations de sorcellerie. Sous la contrainte de la torture, d'autres nonnes du couvent d'Ursulines vont aussi se laisser gagner par le simulacre en guise de délivrance. Sauvées in extremis d'une mort certaine par un exorciste inquisiteur, elles finissent par improviser une orgie afin de se désinhiber de leur frustration sexuelle. Quand bien même autour de cette sarabande infernale, les badauds assistent impunément au spectacle lors d'une complaisance voyeuriste !


Déversant situations scabreuses chez les psychés torturés de nonnes sexuellement frustrées, séquences chocs particulièrement crues pour les séances de torture endurées et hallucinations fantasmagoriques caractérisées par l'esprit névrosé de Jeanne des Anges, Les Diables amorce une descente en enfer jusqu'au-boutiste. Un délire historico-emphatique où tous les personnages insidieux se livrent à leurs instincts primaires d'une doctrine fondée sur l'intégrisme afin de condamner à tort un homme d'église inscrit dans la tolérance. En cinéaste ambitieux et expérimental, Ken Russel nous entraîne dans un cauchemar frénétique où la folie et l'hystérie collective ébranlent le spectateur sans pour autant verser dans le racolage. Si certaines images restent parfois insupportables de réalisme cru, le réalisateur évite la complaisance pour énoncer avant tout un fait historique édifiant afin de fustiger toute forme de fanatisme et de croyance hérétique. Irrigué d'un florilège d'images scandaleuses, outrageantes et subversives, les Diables n'oublie pas pour autant de mettre en exergue la dimension humaine d'un prêtre catholique libéral. Le calvaire d'un homme de Dieu fustigé par un état totalitaire et délaissé par ces concitoyens influents alors que son éthique n'était que de prodiguer tolérance et charité.


Dans le rôle de l'Abbé Grandier, Oliver Reed endosse son personnage avec une vérité humaine aussi pugnace que désabusée dans sa quête rédemptrice de prouver à un tribunal partial qu'il n'a jamais discrédité Dieu. Son courage inflexible de supporter des actes de tortures et sa dignité de pouvoir encore clamer au peuple son innocence face au bûcher inspirent une foi inébranlable pour la liberté. Incarnant celle par qui le scandale est arrivé, Vanessa redgrave (étrangement suave !) se révèle proprement inquiétante en victime estropiée d'une bosse dorsale. Rongée par la jalousie, la frustration sexuelle et envahie de visions spirituelles sur l'agonie du Christ, son profil pathologique nous effraie autant qu'il nous affecte, de par sa déchéance mentale victime d'idéologie puritaine.


Les fous de Dieu
Pamphlet contre l'intégrisme religieux et l'inquisition, Les diables demeure un témoignage sans concession d'une époque vétuste effrayée à l'idée d'adopter la contre-réforme du protestantisme. Choquant et hystérique pour la représentation décadente des "possédées de Loudun", ce chef-d'oeuvre blasphématoire sacralise surtout une ode au libéralisme et à la tolérance.

Dédicace à David Soleau
29.05.12
Bruno Matéï


4 commentaires: