lundi 25 juin 2012

Le Monstre est vivant. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1975

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinechange.com

"It's Alive" de Larry Cohen. 1974. U.S.A. 1h31. Avec John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon, William Wellman Jr, Shamus Locke, Andrew Duggan, Guy Stockwell, Daniel Holzman, Michael Ansara, Robert Emhardt.

Récompense: Prix Spécial du Jury à Avoriaz, 1975

FILMOGRAPHIE: Larry Cohen est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 15 Juillet 1941. Il est le créateur de la célèbre série TV, Les Envahisseurs. 1972: Bone, 1973: Black Caesar, Hell Up in Harlem, 1974: Le Monstre est vivant, 1976: Meurtres sous contrôle, 1979: Les Monstres sont toujours vivants, 1982: Epouvante sur New-York, 1985: The Stuff, 1987: La Vengeance des Monstres, Les Enfants de Salem, 1990: l'Ambulance. - Comme Producteur: Maniac Cop 1/2/3. - Comme Scénariste: Cellular, Phone Game, 3 épisodes de Columbo.


Un puissant plaidoyer pour l'amour parental.
Le pitch: Une femme accouche d'un bébé monstrueux dans un hôpital. Libéré dans la nature et confiné dans les égouts, le bambin perpétue une vague de crimes. La police locale entame une traque impitoyable alors que les parents essaient de déchiffrer leur éventuelle responsabilité. 
Gros succès international malgré son échec dès sa 1ère sortie U.S (il ressortira 3 ans et demi plus tard pour enfin rencontrer la notoriété), le Monstre est Vivant doit beaucoup de son impact émotionnel grâce au thème délicat de l'enfance galvaudée. Car à partir d'une idée incongrue à la limite du grotesque (un bébé monstre commet une série de meurtre dans une paisible bourgade ! Qui l'eut cru ?),  Larry Cohen  en extrait un film d'horreur intelligent de par son traitement social éludé de surenchère. Alors qu'auprès d'un concept aussi délirant, d'autres cinéastes peu scrupuleux ou cupides auraient fait chavirer le projet dans la gaudriole grand-guignol (suffit d'ailleurs de jeter un tout petit oeil sur l'horripilant remake DTV entrepris par Josef Rusnak !).


Par conséquent, Larry Cohen prend son sujet à coeur afin de consolider un drame humain à la fois  poignant (le cruel épilogue d'une acuité dramatique provoque chez le public une empathie insoupçonnée auprès du nourrisson terrorisé), rigoureux et inquiétant (la culpabilité des parents déconcertés et les exactions du bébé renforçant l'opacité d'une ambiance feutrée). Le prologue anthologique, un accouchement virant à l'horreur pure, constitue un exemple pertinent dans la manière dont le réalisateur s'y emploie pour nous ébranler de par l'effet de suggestion du montage agressif. Un médecin ensanglanté sort de la salle d'opération en trébuchant sur le sol ! Il n'en faut pas plus à Cohen d'y véhiculer un climat anxiogène abrupt lorsque le père de famille, alarmé par cet incident fortuit, se dirige vers la salle en accourant pour constater l'horrible carnage avec effroi ! A l'exception de la mère en état de marasme, tous les membres hospitaliers ont été sauvagement mutilés par le bébé difforme et carnassier ! Échappé de l'hôpital, il sème la terreur dans la ville et semble daigner trouver refuge vers son cocon parental.


Ainsi, avec beaucoup de sobriété et en évitant le plus possible de dévoiler l'apparence du monstre par le biais de plans laconiques, Le Monstre est vivant vire à l'inlassable traque des forces de police pour tenter de le juguler. Quand bien même les parents, dépités et désoeuvrés, se morfondent dans la culpabilité si bien que Larry Cohen y apporte beaucoup d'humanisme auprès de leurs états d'âme rongés par la honte, la stupeur et l'incompréhension. Leur aigreur dépressive émanant des agissements d'une société à la fois drastique et immorale (notamment auprès de l'opportunisme des médias en quête de sensations et d'une police expéditive) incapable d'accorder un traitement de faveur à un monstre infantile destitué du lien familial. Les thèmes du droit à la différence est donc mis au pilori pour mettre en exergue l'idéologie sournoise du corps policier souhaitant étouffer ce fait divers particulièrement dérangeant. Mais l'intrigue fragile nappé d'une atmosphère ombrageuse adopte une tournure dramatique édifiante lorsque le père, consterné d'empathie et de pitié (quel puissance d'expression affligée de la part de l'acteur John P. Ryan magnétisant l'écran tout le long du récit !), observe attentivement le désarroi du rejeton apeuré pour le prendre sous son aile et tenter de le rassurer en désespoir de cause. Ainsi, pour élucider la pathologie anormale de cette victime estropiée, le réalisateur semble remettre en cause la dérive inquiétante de produits médicamenteux instaurés sur le marché. En l'occurrence, la pilule contraceptive (n'étant plus un sujet tabou dans les années 70) que la mère ingéra huit mois avant son accouchement. (De là à suggérer que Cohen soit contre l'avortement...)


Les enfants sont-ils des monstres ou les monstres sont-ils des enfants ?
Métaphore sur l'innocence véreuse auprès de certains sujets erratiques, Le Monstre est Vivant est une oeuvre culte sacrément couillue d'avoir su aborder aussi intelligemment son thème  incongru. De par le brio du cinéaste apte à façonner les scénarios les plus improbables, Le Monstre est Vivant échappe honorablement à la routine zédifiante avec une puissante dramatique souvent dérangeante. Adoptant le sobre parti-pris de cultiver un rythme volontairement lattant pour autant captivant, cette oeuvre forte et bouleversante nous interpelle sur les choix moraux d'une famille démunie compromise entre l'acceptation et la démission vis à vis du sort de leur progéniture. Et ce sous couvert de questionnement du droit à la différence et de la polémique de l'avortement, notamment auprès de la dangerosité de certains produits pharmaceutiques circulant en vente libre.

* Bruno
Dédicace à Isabelle Rocton
18.09.20. 5èx
25.06.12.

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