mercredi 20 novembre 2013

LA PORTE DU PARADIS (Heaven's Gate)

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Michael Cimino. 1980. 3h37 (Director's Cut). Avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, Jeff Bridges, John Hurt, Sam Waterston, Richard Masur, Brad Dourif, David Mansfield, Terry O'Quinn.

Sortie salles U.S: 19 Novembre 1980

FILMOGRAPHIE: Michael Cimino est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 février 1939 à New-York.
1974: Le Canardeur. 1978: Voyage au bout de l'enfer. 1980: La Porte du Paradis. 1985: L'Année du Dragon. 1987: Le Sicilien. 1990: La Maison des Otages. 1996: The Sunchaser. 2007: Chacun son cinéma - segment No Translation Needed.


Chef-d'oeuvre maudit du cinéma hollywoodien, de par son échec cinglant qui valut la faillite de United Artists, La Porte du paradis renaît aujourd'hui par le support du blu-ray dans une version director's cut entièrement supervisée par son réalisateur.

Retraçant un triste épisode de l'histoire américaine après la guerre de sécession (la bataille du comté de Johnson de 1890 qui opposa des mercenaires contre des immigrants d'Europe de l'Est), Michael Cimino démonte les mécanismes de la guerre sous l'insurrection de ces expatriés, condamnés à être exécutés pour anarchisme et vol chez les propriétaires de bétail. Au coeur de ce conflit sanglant, un shérif aigri et un mercenaire raciste vont participer à cette sédition tout en se disputant l'amour d'une tenancière de bordel.


Fresque monumentale d'une durée excessive de 3h37, La porte du Paradis est un western romanesque d'une ampleur démesurée dans le déploiement de ses moyens faisant intervenir des milliers de figurants au sein de paysages immaculés. Souffle épique et lyrique se côtoient avec le sens ambitieux d'une mise en scène circonspecte prenant son temps à élucider un épisode peu glorieux de l'ouest américain. Outre le fait de dénoncer une Amérique fasciste et xénophobe, hostile à tout étranger venu s'exiler sur leur patrie, Michael Cimino s'intéresse surtout à dépeindre les tourments d'un trio romanesque impliqué dans une situation politique qui leur échappe. De par leur divergence morale (Nathan est un tueur exerçant pour le syndicat des éleveurs alors que son acolyte James est prêt à défendre les démunis) et leur fragilité humaine (leur rancoeur compromise par l'infidélité amoureuse), le réalisateur décrypte leur remise en cause avec une acuité prude. Par la faute d'une idylle indécise, ces deux acolytes vont finalement se mesurer à leur aplomb pour la sauvegarde d'une catin depuis que cette dernière est consignée sur la liste noire des 125 immigrants (elle est coupable de rameuter sa clientèle étrangère contre du bétail volé). Alors que James se morfond dans la peine et tente de digérer sa rupture amoureuse, Nathan va peu à peu renoncer à ses activités de mercenaire réactionnaire afin de prémunir celle qu'il aime ! A sa réflexion sempiternelle apposée sur l'aboutissement de la guerre, Michael Cimino dépeint surtout l'état d'âme de personnages complexes asservis par un enjeu belliqueux et compromis par une romance en perdition. Il traite notamment de la vieillesse qui s'étiole inexorablement, du regret du temps passé alors que le chagrin d'un homme est engendré par le dépit amoureux.


Autant en emporte le vent
D'une intensité émotionnelle bouleversante et jalonné de batailles homériques hallucinantes de virtuosité, La Porte du Paradis sublime la romance de trois amants inconsolables, embourbés dans la barbarie d'une guerre inéquitable. A travers une page sordide de l'expansion d'une bourgeoisie ricaine, ce western contemplatif célèbre le courage et confine au vertige de la tragédie pour le sacrifice émis aux martyrs du chaos ! 
Un monument en état de grâce, à l'image des ses illustres comédiens transis d'humanisme versatile, déchirant et inoubliable !

20.11.13
Bruno Matéï

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