mercredi 27 novembre 2013

LA FOIRE DES TENEBRES (Something Wicked This Way Comes)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Jack Clayton. 1983. Angleterre. 1h35. Avec Jason Robards, Jonathan Pryce, Diane Ladd, Royal Dano, Vidal Peterson, Shawn Carson, Mary Grace Canfield, Richard Davalos.

Sortie salles: 29 Avril 1983

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni).
1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Produit au début des années 80 par la célèbre firme Walt Disney, à l'époque où ils souhaitaient se démarquer du produit familial standard en privilégiant des récits plus sombres et adultes (les Yeux de la forêt), La Foire des Ténèbres est notamment la réunion de deux auteurs prodiges, Jack Clayton et Ray Bradbury. D'après le roman éponyme du célèbre écrivain, le réalisateur anglais le transpose ici avec un charme nostalgique évident de par sa reconstitution archaïque d'une fête foraine chargée de mystères ! A l'instar d'un conte infantile, le film relate l'arrivée d'une bien étrange foire au coeur d'un petit village de l'Illinois. Deux enfants inséparables, Jim et Will, y font la rencontre de Mr Dark, un sombre dandy capable de matérialiser nos rêves d'antan. Depuis son intrusion et celle de sa troupe, d'étranges évènements portent atteintes à la vie des citadins. Persécutés à leur tour, Jim et Will vont tenter d'avertir le père de ce dernier que la population encourt un grave danger. Echec commercial lors de sa sortie officielle, la Foire des Ténèbres eut la déveine de ne pas rencontrer son public sans doute rebuté par l'aspect austère de son climat hermétique. Pour autant, ce conte pour adultes s'avère véritablement intriguant à travers son cheminement cauchemardesque, et ce en nous proposant un récit original des plus fascinants chez la caractérisation perfide d'antagonistes atypiques.


C'est d'abord la conviction de sa distribution (Jason Robards et Jonathan Price s'affrontent à la manière charismatique de gentlemens avisés !) qui nous permet d'adhérer à cette étrange carrousel de l'étrange où un être démoniaque s'est insinué dans l'intimité des citadins afin de les asservir. Pour cela, il s'approprie de leurs rêves les plus inaccessibles et envieux en leur donnant l'illusion de renouer avec un bonheur passéiste. Ce cadeau empoisonné, Mr Dark leur élabore sans vergogne afin de se nourrir de leurs cauchemars et de leurs peurs les plus noires. Par l'entremise de deux enfants avides de curiosité, et d'un père sclérosé réfutant la vieillesse, la Foire des Ténèbres nous convie à une lutte sempiternelle entre les forces du Bien et du Mal. Qui plus est, la caractérisation humaine de ces personnages est d'autant mieux traitée afin de souligner une réflexion sur l'usure du temps, l'amertume de la vieillesse et nos regrets insolubles. Si bien qu'ici, et d'une manière hétérodoxe, l'héroïsme est établi du point de vue d'un sexagénaire rongé par la contrariété d'un acte de bravoure qu'il n'eut pu braver. Alors que les enfants, en pleine défiance avec les démons, vont finalement s'acheminer vers une virée initiatique de par leur mauvaise posture ! Cette expérience avec les forces démoniaques leur permettra donc d'accéder à la rédemption et au dépassement de soi en extériorisant une idéologie optimiste (le fait de positiver et de songer au bonheur permet de rompre les liens destructeurs du Mal). Emaillé de séquences oniriques (les agissements de l'envoûtante sorcière de verre, le labyrinthe du temps) ou cauchemardesques (la dégénérescence corporelle de Mr Dark au sein du carrousel), la Foire des Ténèbres déroute le spectateur avec un sens retors de l'illusion, à l'instar de sa séquence de claustration viscérale (l'invasion des mygales rampants dans la chambre des enfants !).


Scandé d'une partition opulente de James Orner, du charisme gandin de ces interprètes et d'un esthétisme délicieusement archaïque, La Foire des Ténèbres peut aujourd'hui accéder à la renommée qu'il aurait dû mériter. Avec le recul, c'est également l'occasion de se rendre compte que l'usure du temps abordée dans le film n'a entachée aucune emprise sur l'entreprise de Clayton ! Je dirais même qu'à contrario, et peut-être avec la complicité alchimique de Mr Dark, la Foire des Ténèbres s'est aujourd'hui converti au rajeunissement ! 

27.11.13. 3èx
B-M

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