jeudi 4 octobre 2012

Le Masque de la Mort Rouge / The Masque of the Red Death

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinelounge.org

de Roger Corman. 1964. U.S.A/Angleterre. 1h30. Avec Vincent Price, Hazel Court, Jane Asher, David Weston, Nigel Green, Patrick Magee, Paul Whitsun-Jones, Robert Brown.

Sortie salles France: 8 Octobre 1969. U.S: 24 Juin 1964

FILMOGRAPHIERoger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: Le Masque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: Le Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


Les ténèbres, le déclin et la mort rouge étendirent leur empire illimité sur tout. 
Edgar Allan Poe

D'après une histoire d'Edgar Allan Poe, Roger Corman réalise en 1964 l'une de ses plus belles réussites sous la bannière du plus célèbre des romanciers gothiques. Le Masque de la Mort Rouge fait parti de sa septième adaptation, juste avant qu'il ne clôture son cycle Poe avec une dernière pièce maîtresse: la Tombe de Ligeia. Le PitchDans l'Italie du 12è siècle, le prince Prospero sème la terreur auprès des paysans vivants dans des conditions miséreuses. Par la désobéissance de certains d'eux, il décide d'emprisonner le père et l'amant de Francesca dans son château afin de courtiser cette dernière. Pendant ce temps, sous l'apparence d'une silhouette rouge, une étrange épidémie se répand sur la région et contamine un à un les défavorisés. Chef-d'oeuvre du fantastique dans toute sa flamboyance gothique, le Masque de la Mort Rouge est un étrange conte sur la fatalité de la mort. Baignant dans une atmosphère onirique, crépusculaire, pour ne pas dire baroque et atypique, cette cérémonie cynique est avant tout une réussite formelle vouée à l'allégeance macabre d'adorateurs de Satan. 


Ainsi, nous sommes frappés de stupeur face à la scénographie insolite des chambres secrètes du château ayant communément une nuance monochrome bien distincte. Il y a notamment l'extravagance d'un vaste réfectoire prêt à recevoir les nobles invités de Prospéro alors qu'un bal costumé est sur le point d'en célébrer l'agonie. Tandis qu'au sous-sol, des prisonniers parqués dans des cachots rubigineux attendent leur inévitable sort. D'un point de vue graphique, la violence audacieuse (pour l'époque !) de deux séquences surprend encore aujourd'hui par son réalisme cuisant (l'attaque du corbeau sur Juliana et Alfredo embrasé par les flammes). En talent de conteur attentionné et sous couvert d'un récit fantastique imprégné de mystère et de séquences imprévisibles d'une aura à la fois lunaire et sépulcrale (notamment au niveau des réactions hilares des figurants aristos imbibés d'impertinence), Roger Corman confronte la dualité du Bien et du Mal à travers la religion du christianisme et le culte du satanisme. Francesca, jeune paysanne pieuse n'aura de cesse durant son cheminement d'implorer à Prospero son éthique inscrite dans la sagesse car fondée sur les notions de tolérance et respect d'autrui. Mais le prince dénué de vergogne puisque corrompu par le vice, la cupidité et la mégalomanie n'éprouvera qu'indifférence aux regards des plus faibles. Alors que sa vénale assemblée aura droit à un traitement de faveur pour rester au sein du château et ainsi se prémunir de l'épidémie mortelle qui jalonne la campagne. 


Avec une cruelle dérision, le cinéaste met en exergue les effets pervers de l'omnipotence d'une monarchie, de cette autonomie immorale à asservir les plus démunis par cupidité. Il n'hésite pas à ridiculiser ses hôtes voués à accomplir des jeux risibles en communauté par guise d'ennui mais aussi pour divertir la galerie (se comporter tel un animal de compagnie en marchant à quatre pattes ou se déguiser en gorille et gesticuler face à un public hilare dénué de morale !). Et pour iconiser le profil mesquin d'un roi entièrement voué à servir Satan, Vincent Price donne chair à son personnage avec une spontanéité renversante. Car de façon sardonique, en se vautrant dans une triviale désinvolture, il perpétue ses sévices sadiques envers n'importe quel quidam (nobles comme prolétaires) avec une posture impassible particulièrement rogue. Quand à son partenaire Alfredo, tout aussi insidieux et déloyal, c'est Patrick MacGee qui s'y investi avec autant d'égotisme mais aussi d'opportunisme à double tranchant.


Chaque homme se créé son propre dieu, son propre paradis, son propre enfer
D'une beauté picturale rappelant l'esthétisme baroque d'Argento à ses heures de gloire de Suspiria, Le Masque de la Mort Rouge s'agence autour d'un carnaval de damnés fustigés par la maladie, là où la mort rouge reprend naturellement ses droits afin d'y dénoncer la supercherie du Mal. L'interprétation magistrale de Vincent Price d'une cruauté inégalée et la sobriété des seconds rôles renforçant sa vraisemblance occulte sous l'hégémonie d'un cinéaste littéralement au sommet de son art. Tant et si bien que par son parti-pris ambitieux Le Masque de la mort Rouge demeure d'une modernité déconcertante à chaque révision. Tant auprès de sa pléthore de séquences lunaires habilement structurées, de sa violence âpre décomplexée que de sa profondeur psychologique imparties à la théorie du Bien et du Mal. 

*Bruno
31.12.22. 5èx
04.10.12. 

La chronique de la Chute de la maison Usher: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-chute-de-la-maison-usher-house-of.html
La chronique de La Tombe de Liegia: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-tombe-de-liegia-tomb-of-ligeia.html

                                     

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