vendredi 6 octobre 2017

LA TRAVERSEE DE PARIS

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Claude Autant Lara. 1956. France/Italie. 1h20. Avec Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès, Jeannette Batti, Jacques Marin, Robert Arnoux, Georgette Anys.

Sortie salles France: 26 Octobre 1956

FILMOGRAPHIE: Claude Autant-Lara, ou Claude Autant, est un réalisateur français, né le 5 août 1901 à Luzarches et mort le 5 février 2000 à Antibes. 1931 : Buster se marie. 1931 : Le Plombier amoureux. 1932 : L'Athlète incomplet. 1933 : Ciboulette. 1937 : L'Affaire du courrier de Lyon (coréal). 1938 : Le Ruisseau (coréal). 1939 : Fric-Frac (coréal). 1940 : The Mysterious Mr Davis. 1941 : Le Mariage de Chiffon. 1942 : Lettres d'amour. 1943 : Douce. 1946 : Sylvie et le Fantôme. 1947 : Le Diable au corps. 1949 : Occupe-toi d'Amélie. 1951 : L'Auberge rouge. 1952 : Les 7 péchés capitaux. 1953 : Le Bon Dieu sans confession. 1954 : Le Blé en herbe. 1954 : Le Rouge et le Noir. 1955 : Marguerite de la nuit. 1956 : La Traversée de Paris. 1958 : Le Joueur. 1958 : En cas de malheur. 1959 : La Jument verte. 1960 : Les Régates de San Francisco. 1960 : Le Bois des amants. 1961 : Tu ne tueras point. 1961 : Le Comte de Monte-Cristo. 1961 : Vive Henri IV, vive l'amour. 1963 : Le Meurtrier. 1963 : Le Magot de Josefa. 1965 : Humour noir. 1965 : Journal d'une femme en blanc. 1966 : Nouveau journal d'une femme en blanc. 1967 : Le Plus Vieux Métier du monde. 1968 : Le Franciscain de Bourges. 1969 : Les Patates. 1973 : Lucien Leuwen (Serie TV). 1977 : Gloria.


Grand classique de la comédie française ayant cumulé à sa sortie plus de 4 893 174 entrées, La Traversée de Paris est l'occasion de réunir 3 monstres sacrés du cinéma d'après-guerre parmi lesquels Louis de Funès (dans un rôle éloquent mais assez discret il faut avouer), Bourvil et surtout Jean Gabin formant tous deux un duo impromptu aux caractères bien trempés. Tourné dans un noir et blanc étrangement expressionniste et envoûtant (on se croirait d'ailleurs parfois dans un vieux film d'épouvante de l'âge d'or !), l'action se situe durant l'occupation allemande en plein Paris (bien que la plupart des scènes furent tournées en studio !). Sous la houlette de l'épicier Jambier, Martin exerce un travail au noir, à savoir achalander de la viande chez un revendeur, de la rue Poliveau à la rue Lepic. Contraint de collaborer avec Grandgil, un inconnu abordé dans un café du coin, ils vont arpenter Paris la nuit avec sous leurs bras 4 valises contenant chacune de la viande de cochon. Entre prises de bec et échanges amicaux, un périple haletant s'ouvre à eux si bien que la police française et l'armée allemande opèrent en intermittence quelques rondes.


Comédie caustique traitant de l'illégalité du marché noir dans grave contexte de guerre mondiale, la Traversée de Paris empreinte le schéma du road movie "à pied" sous l'impulsion galvanisante de deux personnages que tout oppose. Bourvil endossant le faire-valoir avec crainte et contrariété, excès d'orgueil et de colère afin de tenter d'intimider son complice que l'impressionnant Jean Gabin incarne avec un tempérament volcanique. De par sa forte voix éraillée et sa corpulence aussi bien virile que râblée, ce dernier cumule brimades et jeux de manipulation entre son partenaire (et le fourbe Jambier) afin d'évaluer leur courage et leur force morale. Alternant les séquences burlesques par le biais d'affrontements psychologiques exubérants que se disputent fertilement Martin et Grandjil, avec d'autres moments plus sombres (notamment ce final soudainement alarmiste présageant le spectre d'exécutions sommaires), La Traversée de Paris affiche une facture atypique au sein du paysage français de la comédie des années 50. Claude Autant Lara parvenant intelligemment à gérer une structure narrative étonnante car d'autant plus subtile et finaude qu'elle n'y parait (notamment à travers le personnage si badin et manipulateur de Grandjil non exempt d'empathie envers son compère).


Dénonçant en filigrane l'hypocrisie, le profit et la lâcheté de certains "pauvres" dans un contexte de survie d'occupation allemande, ("ses salauds de pauvres" s'exprimera ironiquement à deux reprises Grandjil !), la Traversée de Paris utilise de manière aussi couillue qu'inopinée le ressort burlesque au sein d'un climat de peur, d'inquiétude et de tension sous-jacentes (ou autrement tangibles). Spoil ! Et ce juste avant de nous libérer de cette éventuelle charge dramatique pour y vanter les mérites d'une retrouvaille amicale aussi inventive que sémillante Fin du Spoil.

Bruno Dussart.
2èx

jeudi 5 octobre 2017

TANDEM

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassions

de Patrice Leconte. 1987. France. 1h30. Avec Gérard Jugnot, Jean Rochefort, Sylvie Granotier, Julie Jézéquel, Jean-Claude Dreyfus, Ged Marlon, Marie Pillet, Albert Delpy.

Sortie salles France: 17 Juin 1987

FILMOGRAPHIE: Patrice Leconte est un réalisateur, scénariste et metteur en scène français né le 12 novembre 1947 à Paris. 1971 : Blanche de Walerian Borowczyk (assistant réalisateur). 1976 : Les Vécés étaient fermés de l'intérieur. 1978 : Les Bronzés. 1979 : Les bronzés font du ski. 1981 : Viens chez moi, j'habite chez une copine. 1982 : Ma femme s'appelle reviens. 1983 : Circulez y a rien à voir. 1985 : Les Spécialistes. 1987 : Tandem. 1989 : Monsieur Hire. 1990 : Le Mari de la coiffeuse. 1991 : Contre l'oubli. 1993 : Tango. 1994 : Le Parfum d'Yvonne. 1995 : Lumière et Compagnie. 1996 : Ridicule. 1996 : Les Grands Ducs. 1998 : Une chance sur deux. 1999 : La Fille sur le pont. 2000 : La Veuve de Saint-Pierre. 2001 : Félix et Lola. 2002 : Rue des plaisirs. 2002 : L'Homme du train. 2004 : Confidences trop intimes. 2004 : Dogora : Ouvrons les yeux. 2006 : Les Bronzés 3. 2006 : Mon meilleur ami. 2008 : La Guerre des miss. 2011 : Voir la mer. 2012 : Le Magasin des suicides. 2014 : Une promesse. 2014 : Une heure de tranquillité.


Comédie dramatique sur fond de road movie à la fois caustique et insolite au sein d'une campagne grisonnante, Tandem relate le déclin d'un animateur radio, Michel Mortez, et de son ingénieur du son, Rivetot, après avoir été communément licenciés de leur émission populaire (celle-ci réunissant 3 millions de fidèles depuis plus de 20 ans !). Surpris par cette décision fortuite, Rivetot décide de cacher la vérité à Michel trop susceptible d'encaisser pareille défaite. Réunissant à l'écran deux talents hors pair sous la houlette de l'éminent Patrice Leconte, Tandem souffle le chaud et le froid dans sa palette d'émotions fougueuses et dépressives. De par la prestance empathique d'un Jean Rochefort prodigieusement fringant, altier et exubérant mais dévoilant peu à peu son désagrément au fil de son introspection morale que le réalisateur exacerbe avec pudeur contenue (notamment par le biais du jeu de miroir et de sa solitude). On est d'ailleurs dubitatif à son statut de célibat endurci au point que ce dernier aurait-il préconisé une orientation homosexuelle faute de sa grande timidité envers les femmes ? La question reste à mon sens posée car le réalisateur joue sur cette ambiguité sexuelle lors de plusieurs échanges intimes qu'il approche auprès d'une inconnue et d'une connaissance "gay" qu'il décide ce soir là de repousser. Alors qu'un peu plus tard, lors d'une conversation téléphonique fantôme, son ami Rivetot sera témoin de la supercherie d'une vie conjugale inexistante ! Dans celui de l'adjoint prévenant, faire-valoir inépuisable, Gérard Jugnot lui partage ses services et son amitié avec une tendresse introvertie si bien que celui-ci s'efforce de préserver la célébrité de son ascendant avec une attention émue.


La rage de vivre chez une France profonde en discrédit. 
Hommage aussi bien sensible que mélancolique aux losers et à ces émissions populaires qu'une France profonde idolâtre en lieu et place d'ennui et de divertissement, Tandem y dresse au final le douloureux portrait d'une star déchue consciente d'avoir occulté une carrière autrement plus substantielle et méritante (Rivetot stupéfié d'apercevoir au domicile de Michel des centaines de livres ornant chaque pièce de l'appartement !). Sans jamais juger ce duo passionnel réputé comme obsolète, Patrice Leconte en sublime leurs portraits avec une fragilité démunie, et ce avant que la dignité et la tendresse d'une vibrante amitié ne s'y consolide en guise d'au-revoir. Soutenu par l'inoubliable tube Il Mio Rifugio de Richard Cocciante (spécialement écrit pour le film), Tandem développe une émotion bipolaire déroutante et rigoureuse (notamment de par sa mise en scène auteurisante qu'on a un peu de mal au départ à apprivoiser) au gré du cheminement initiatique de ces deux paumés avides d'amour, de réussite, de liberté et surtout de reconnaissance.

Bruno Matéï

mercredi 4 octobre 2017

VIENS CHEZ MOI J'HABITE CHEZ UNE COPINE

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecomedies.com

de Patrice Leconte. 1981. France. 1h25. Avec Michel Blanc, Bernard Giraudeau, Thérèse Liotard,
Anémone, Sylvie Granotier, Marie-Anne Chazel, Béatrice Costantini, Gaëlle Legrand.

Sortie salles France: 28 Janvier 1981

FILMOGRAPHIE: Patrice Leconte est un réalisateur, scénariste et metteur en scène français né le 12 novembre 1947 à Paris. 1971 : Blanche de Walerian Borowczyk (assistant réalisateur). 1976 : Les Vécés étaient fermés de l'intérieur. 1978 : Les Bronzés. 1979 : Les bronzés font du ski. 1981 : Viens chez moi, j'habite chez une copine. 1982 : Ma femme s'appelle reviens. 1983 : Circulez y a rien à voir. 1985 : Les Spécialistes. 1987 : Tandem. 1989 : Monsieur Hire. 1990 : Le Mari de la coiffeuse. 1991 : Contre l'oubli. 1993 : Tango. 1994 : Le Parfum d'Yvonne. 1995 : Lumière et Compagnie. 1996 : Ridicule. 1996 : Les Grands Ducs. 1998 : Une chance sur deux. 1999 : La Fille sur le pont. 2000 : La Veuve de Saint-Pierre. 2001 : Félix et Lola. 2002 : Rue des plaisirs. 2002 : L'Homme du train. 2004 : Confidences trop intimes. 2004 : Dogora : Ouvrons les yeux. 2006 : Les Bronzés 3. 2006 : Mon meilleur ami. 2008 : La Guerre des miss. 2011 : Voir la mer. 2012 : Le Magasin des suicides. 2014 : Une promesse. 2014 : Une heure de tranquillité.


A peine remis des succès successifs des Bronzés et des Bronzés font du ski, le maître (néophyte) de la comédie populaire Patrice Leconte enchaîne en 1981 avec Viens chez moi j'habite chez une copine. Un vaudeville taillé sur mesure sous l'impulsion musicale du chanteur Renaud et d'un trio d'acteurs (de la vieille école si j'ose dire) au diapason ! Et le public de se ruer à nouveau en masse pour applaudir la colocation amiteuse entre un joyeux drille et un couple éminemment débonnaire. Amis de longue date, Daniel accepte d'héberger Guy dans son appartement après que ce dernier fut expulsé de son emploi de pompiste faute de vol. Impertinent et encombrant, Guy finit par semer la zizanie au sein du couple que menaient harmonieusement Daniel et Françoise. 


Un pitch simpliste, supra léger, que Patrice Leconte maîtrise pourtant avec un infaillible savoir-faire et une redoutable efficacité si bien que quelques décennies plus tard ce divertissement typiquement franchouillard n'a pas pris une mini ride ! De par la multitude de quiproquos et déconvenues que Guy enchaîne sans modération par son esprit de camaraderie taillé dans la désinvolture et la maladresse, et des instants de tendresse découlant au final de ces rapports houleux entre Daniel et Françoise. Michel Blanc crevant l'écran à chaque seconde dans celui de l'acolyte influençable aussi bien flâneur que fripon et donc redoublant de culot pour subvenir à sa survie et d'enchaîner par la même occasion les conquêtes sexuelles d'un soir (on notera sur son carnet de rencontres l'apparition hilarante de la comédienne Anémone en artiste de cirque égrillarde !). Quant au couple de prime abord adéquat que représentent Daniel et Françoise, l'excellent et regretté Bernard Giraudeau et la non mais séduisante (et beaucoup trop rare) Thérèse Liotard insufflent à l'écran une fraîcheur, une candeur et une spontanéité naturellement saillantes. Autant dire que ce trio pétri d'humanisme et de fourberie, d'esprit de solidarité et d'amitié déclenchent sourires, rires et bonne humeur au gré de mésaventures urbaines que Guy influence parmi la fâcheuse conséquence du larcin.


Oasis de fantaisie, de drôlerie et de cocasserie en roue libre (les minutes défilent à une vitesse d'omnibus au rythme de dialogues incisifs !), Viens chez moi j'habite chez une copine affiche un ton libertaire aussi bien tendre que charmant autour des conséquences du chômage et de la colocation, de l'amitié et de l'amour, de l'infidélité et la réconciliation. A revoir d'urgence pour témoigner notamment à nouveau de son irrésistible pouvoir de séduction que suscitent communément l'habileté de sa mise en scène ainsi que son sémillant casting ! (il s'agit d'ailleurs peut-être même du meilleur rôle de Michel Blanc ! ). Un vrai film "d'acteurs" en somme issus du café théâtre ! 

Bruno Dussart
2èx

mardi 3 octobre 2017

CA VA COGNER

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Any Which Way You Can" de Buddy Van Horn. 1980. U.S.A. 1h55. Avec Clint Eastwood, Sondra Locke, Geoffrey Lewis, Ruth Gordon, John Quade, Roy Jenson, Bill McKinney, William O'Connell.

Sortie salles France: 25 Mars 1981. U.S: 17 Décembre 1980

FILMOGRAPHIEBuddy Van Horn est un cascadeur et réalisateur américain né le 20 août 1929. 1980 : Ça va cogner. 1988 : L'inspecteur Harry est la dernière cible. 1989 : Pink Cadillac.


"Signale, à droite !"

Reprenant les mêmes ingrédients que son modèle sous la houlette de Buddy Van Horn (James Fargo  ayant céder sa place), Ca va cogner ne déçoit pas si bien qu'il s'avère aussi réussi, voir même un chouilla plus drôle lorsqu'il s'agit de brocarder à nouveau la bande des motards férus de vengeance à appréhender leur ennemi juré, Philo. Comédie d'action aussi bien généreuse que tendre mais un peu moins bâtie sur le road trip, Ca va cogner continue de prôner les valeur de la camaraderie et l'entrain de la baston auprès de nos itinérants Philo et Lynn (rabibochés le temps d'une brève explication et d'une étreinte dans une grange !), Orville (Geoffrey Lewis, charismatique et plus vrai que nature en acolyte de longue date !), Sénovia (irrésistible Ruth Gordon en mémé bourrue !) et l'impayable orang-outang, Clyde. Victime d'un chantage auprès d'un combat de rue qu'il hésite à acquiescer alors que ses amis lui conjurent d'y renoncer, Philo est d'autant plus indécis lorsqu'il se lie d'amitié avec son rival, Elmo (campé par William O'Connell, inoubliable Falconetti de la série TV Le Riche et le Pauvre !). Un homme d'affaire réputé pour être un cogneur inégalable mais pour autant quelque peu réfractaire lorsqu'il s'agit de s'opposer à égal de soi. L'intrigue se clôturant par leur rencontre au sommet au gré d'un pugilat aussi violent qu'interminable, et ce sans trop ébranler les spectateurs les plus jeunes impliqué dans une aventure bonnard pétrie de simplicité et de sentiments.


Divertissement familial sans prétention donc car inscrit dans la décontraction, la réconciliation (celle des motards, de Lynn et d'Elmo auprès de Philo) et la bonhomie (en dépit d'une fortuite séquence de snuf animalier, affrontement complaisant entre un furet et un crotale !), Ca va cogner laisse comme empreinte une série B à la fois attendrissante et (gentiment) cocasse sous l'impulsion de comédiens fringants se prêtant au jeu de la déconnade dans une sérénité libertaire. 

Eric Binford.
2èx

lundi 2 octobre 2017

GERALD'S GAME

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de Mike Flanagan. 2017. U.S.A. 1h43. Avec Carla Gugino , Bruce Greenwood, Carel Struycken, Henry Thomas, Kate Siegel.

Sortie TV Netflix: 29 septembre 2017

FILMOGRAPHIEMike Flanagan, né en 20 mai 1978 à Salem (Massachusetts), est un cinéaste américain. 2000 : Makebelieve. 2001 : Still Life. 2003 : Ghosts of Hamilton Street. 2006 : Oculus: Chapter 3 - The Man with the Plan. 2011 : Absentia. 2013 : The Mirror (Oculus). 2016 : Pas un bruit (Hush). 2016 : Before I Wake. 2016 : Ouija : les origines. 2017 : Jessie (Gerald's Game).


Thriller psychologique singulier de par son contexte de survie tout en intimité et son traitement surréaliste réservé aux états d'âmes de l'héroïne en proie aux hallucinations, Gerald's Game est un superbe portrait de femme que Mike Flanagan traite avec autant de dignité que de réalisme. La banalité du quotidien s'exprimant ici à travers une étouffante situation de claustration au sein du cadre exigu d'une chambre tamisée. Réunis dans un chalet le temps d'un week-end, un couple en perdition tente d'offrir un second souffle à leur déconvenue sexuelle. Menottée au lit en guise de jeu lubrique, Jessie éprouve rapidement un malaise quant au comportement ambigu, pour ne pas dire sado-maso  de son époux. Mais suite à un malaise cardiaque, celui-ci succombe laissant Jessie complètement démunie depuis l'entrave de ses menottes. Attiré par le sang du cadavre tombé sur le sol, un chien errant pénètre dans la chambre. 


Abordant le drame psychologique sous couvert de thriller horrifique émaillé de quelques séquences gores (les exactions du chien cerbère et surtout un acte sacrificiel à la limite du supportable) ou angoissantes assez éprouvantes (notamment l'apparition de - l'éventuelle - "faucheuse"), Gerald's Game traite du traumatisme infantile avec une émotion rigoureuse. Car traitant des thèmes sulfureux de la pédophilie et de l'inceste au sein d'une famille dysfonctionnelle, la réminiscence que nous relate l'héroïne hantée de culpabilité extériorise un climat malsain plutôt déroutant et dérangeant. De par la froideur de sa mise en scène privilégiant un ton austère (voir aussi onirique au gré d'une éclipse lunaire) sous l'impulsion d'un jeu d'acteurs très convaincant. D'ailleurs, habituée aux seconds-rôles durant la majorité de sa carrière, Carla Gugino porte le récit sur ses épaules avec une dimension humaine souffreteuse. De par sa situation de survie d'extrême urgence auquel les minutes sont comptées et ces hallucinations récurrentes laissant planer un soupçon de folie contagieuse. Entièrement dédié à sa caractérisation fébrile et désorientée, le récit aride met en image ses pensées morales par le principe des fantômes de son esprit. Son défunt mari apparaissant régulièrement pour tenter de l'aiguiller ou de la contredire face à ses doutes et erreurs, quand bien même le double d'elle même tente de la rappeler au raisonnement d'un secret infantile préjudiciable.


C'est donc une initiation au courage et à la constance, une thérapie interne que nous relate singulièrement Mike Flanagan par le biais d'un récit de Stephen King aussi captivant que d'une âpre cruauté. L'héroïne en chute libre corporelle (voire aussi morale) parvenant in extremis par son épreuve à châtier ses démons afin d'accepter le deuil d'un inceste. Une excellente adaptation d'une belle dignité humaine parvenant avec maîtrise à élever le thriller à une dimension autrement plus substantielle pour le traitement de ses personnages torturés. 

Eric Binford.

vendredi 29 septembre 2017

DOUX, DUR ET DINGUE

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site mauvais-genres.com

"Every Which Way But Loose" de James Fargo. 1978. U.S.A. 1h54. Avec Clint Eastwood, Sondra Locke, Geoffrey Lewis, Beverly D'Angelo, Walter Barnes, Roy Jenson, James McEachin

Sortie salles France: 4 Avril 1979. U.S: 20 Décembre 1978

FILMOGRAPHIE: James Fargo, né le 14 août 1938 à Republic, Washington, États-Unis, est un réalisateur et producteur américain. 1976 : L'inspecteur ne renonce jamais. 1978 : Caravans. 1978 : Doux, dur et dingue. 1979 : Le Putsch des mercenaires. 1982 : L'Exécuteur de Hong Kong.


Comédie d'aventures menée tambour battant au travers d'un road trip bucolique, Doux, dur et dingue surfe sur les films de bastons bonnards initiés par Bud Spencer et Terence Hill. Si bien qu'ici les gags enfantins et les pugilats de rue (et de saloon !) s'enchaînent de manière métronomique au rythme d'une country-music que Sondra Locke chantonne dans les cabarets face à une clientèle prolétaire. Sans doute afin de casser son image de flic fasciste dans la série des Inspecteur Harry, Clint Eastwood se moque ici de lui même avec une décontraction (inévitablement) attachante dans la peau d'un marginal au grand coeur (il tombe naïvement amoureux d'une allumeuse au point de la poursuivre durant son périple national) pratiquant les combats clandestins avec une réputation indétrônable. Epaulé d'un orang-outan badin, de son acolyte Orville et d'Echo, l'amie de ce dernier rencontrée sur une aire de marché, nos héros sans peur ni reproches sillonnent les contrées du Colorado en se confrontant notamment aux moult provocations de deux flics revanchards et d'une bande de motards à la limite de la déficience mentale. Au-delà de cette galerie de francs-tireurs excentriques aussi bien provocateurs qu'entêtés, on peut également noter l'apparition survitaminée de l'illustre Ruth Gordon (Harold et Maud, Rosemary's Baby) dans celle d'une mémé renfrognée plutôt irascible à daigner imposer son identité d'un âge avancé. Bien évidemment, et de manière parfaitement assumée, Doux, dur et dingue ne vole pas bien haut dans son alliage de gags et bastons d'un intérêt purement récréatif quand bien même la bonhomie de nos héros au grand coeur et le tempérament survolté de leurs rivaux opiniâtres nous enseignent une bonne humeur expansive entre deux étreintes amoureuses.


Dépaysant (magnifiques paysages ruraux du Colorado) généreux et terriblement sincère dans son florilège de péripéties saugrenues, poursuites et altercations musclées, Doux, dur et dingue enflamme la comédie populaire (en dépit de la violence aride de certains combats qu'Eastwood transcende en héros viril) avec une extrême simplicité à la fois exubérante et attendrissante. A revoir avec une vibrante nostalgie et à savourer entre potes du samedi soir affublés de packs de bières généreuses en mousse !

Bruno Dussart
2èx 

jeudi 28 septembre 2017

SEVEN SISTERS

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"What Happened to Monday" de Tommy Wirkola. 2017. Belgique/U.S.A/France/Angleterre. 2h04. Avec Noomi Rapace, Willem Dafoe, Glenn Close, Marwan Kenzari, Pål Sverre Hagen, Adetomiwa Edun.

Sortie salles France: 30 Août 2017 (Int - 12 ans). U.S: 18 Août 2017

FILMOGRAPHIE: Tommy Wirkola est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma norvégien, né le 6 décembre 1979 à Alta dans le comté de Finnmark. 2007 : Kill Buljo : ze film. 2009: Dead Snow. 2010 : Kurt Josef Wagle og legenden om fjordheksa. 2013 : Hansel et Gretel : Witch Hunters. 2014 : Dead Snow 2. 2017 : Seven Sisters.


Blockbuster estival chaudement accueilli en France (1 356 119 entrées), Seven Sisters porte la signature du norvégien Tommy Wirkola, réalisateur des sympathiques délires gores Dead Snow 1 et 2Dans un futur proche, faute d'une surpopulation, du réchauffement climatique et des pénuries alimentaires, les autorités ont décidé de limiter le nombre de naissances à un seul enfant par foyer. Mais bravant l'interdit, une mère morte en couches donne naissance en secret à des septuplées. L'époux décide alors de les cacher dans une chambre secrète de son appartement sous couvert de conditions drastiques enseignées à ses filles. 30 ans plus tard, l'une des soeurs disparaît mystérieusement durant un rendez-vous professionnel. Au moment où ces dernières tentent de la retrouver, les agents du CAB sont sur le point de débusquer leur tanière ! Empruntant l'anticipation dystopique héritée du parangon Soleil Vert et consorts (thèmes similaires sur la surpopulation, la pollution et les pénuries alimentaires auprès d'une dictature sans vergogne), Seven Sisters constitue un formidable film d'action aussi intègre que généreux en diable.


L'action rebondissant sans cesse grâce aux multiples directions que les héroïnes parcourent ardemment afin de retrouver leur soeur et préserver leur unité familiale. Et ce sans céder à la gratuité du spectacle racoleur, de par l'efficacité d'un script structuré sublimant le portrait de 7 jumelles converties contre leur gré en fugitives aussi pugnaces que valeureuses. Sur ce point détonnant, on peut vanter la prestance (hybride) de Noomi Rapace se fondant dans les corps de 7 personnages distincts sous l'impulsion d'une palette de sentiments contradictoires. L'actrice oscillant sans rougir une émotion tantôt poignante (pour les revirements étonnamment dramatiques que le script s'adonne sans complexe), tantôt oppressante (pour les stratégies de défense à perdre haleine qu'elles doivent décupler afin de déjouer la menace permanente des agents du CAB). Outre l'attrait effréné et la lisibilité des séquences homériques fertiles en cascades et sanglants gunfights, Seven Sisters cultive une finaude audace à détourner les codes par le biais d'une dramaturgie inopinément insolente ! Car exploitant habilement le genre du survival pur et dur au sein d'un cadre urbain blafard (superbement contrasté par la morphologie d'immeubles grisonnants dressés les uns contre les autres), Tommy Wirkola crédibilise son univers futuriste étouffant où pauvreté et exclusion sont une fois de plus dépréciées par une dictature plus immorale et implacable qu'elle n'y parait.


En dépit de certaines facilités et pirouettes narratives un chouilla improbables lors de sa dernière partie aussi bien palpitante qu'émouvante (mais un peu trop vite expédiée à mon sens par ses  rebondissements en pagaille), Seven Sisters renchérit embuscades, soubresauts et péripéties vertigineuses au sein d'une dystopie insidieusement cynique. Sans jamais perdre de vue la dimension humaine de ses héroïnes implacablement molestées (d'autant plus compromises entre trahison et  sens du sacrifice), Tommy Wirkola insuffle une poignante (et cruelle) émotion pour nous impliquer dans leur épreuve de survie en chute libre. Sous le pilier du Blockbuster ludique mais intelligemment exploité, Seven Sisters demeure donc une excellente surprise dans le paysage si habituellement lisse et conventionnel de l'actionner bourrin, avec en guise d'épilogue un plaidoyer pour le libéralisme et le droit à la naissance multiple. 

Bruno Matéï