mercredi 25 avril 2018

M

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Sara Forestier. 2017. France. 1h38. Avec Sara Forestier, Redouanne Harjane, Jean-Pierre Léaud, Nicolas Vaude, Maryne Cayon, Isabelle Caillat.

Sortie salles France: 15 Novembre 2017

FILMOGRAPHIE: Sara Forestier est une actrice, réalisatrice et scénariste française, née le 4 octobre 1986 à Copenhague. 2017: M.


Echec public lors de sa discrète sortie en salles (68 300 entrées sur 94 copies), M est la première réalisation de Sara Forestier également actrice et scénariste pour l'occasion. D'une sincérité indéfectible dans sa démarche auteurisante de nous relater l'histoire d'amour singulière entre une lycéenne bègue et un marginal illettré sans pathos ni effet de manche, M parvient à émouvoir et bouleverser avec une sensibilité à la fois éminemment prude et dévorante. Notamment sous l'impulsion d'un duo d'acteurs incandescents se livrant corps et âme face caméra avec un humanisme écorché vif. Sara Forestier se fondant naturellement dans la peau d'une bègue avec fragilité, retenue et grande timidité avant de sillonner sa voie initiatique vers la persévérance grâce à la passion des sentiments. Il faut la voir s'exprimer face caméra la peur au ventre à pouvoir gérer ses confidences névralgiques face à l'être aimé (lui même envahit de doute, d'intolérance et de crainte d'échouer) ou encore céder à une peur paralysante auprès de sa candidature au baccalauréat face à un juré finalement tolérant. Son jeu incroyablement subtil (d'autant plus sans fard dans sa beauté naturelle) lui permettant de ne jamais se livrer à une caricature complaisante de bons sentiments lors de ses balbutiements à répétition. Et donc de nous livrer une performance d'actrice pleine de dignité dans sa sobriété à s'exprimer avec une sensibilité jamais programmée. Sara visant simplement l'attention, l'âme et le coeur du spectateur avec un magnétisme fluide.


Témoignant d'une posture virile viscérale dans sa forte personnalité, de par la puissance de son regard rigide, voir animal suggérant au terme l'amertume et la honte dans son incapacité à s'aimer soi même, Redouanne Harjane explose l'écran avec autant de rigueur auprès de son humanisme torturé car incapable d'assumer son analphabétisme dans celui d'un banlieusard ne parvenant pas à fuir son passé meurtri. A eux deux, ils forment un duo d'amants vertigineux dans leur combat intrinsèque contre la peur, le désarroi, puis celle d'éveiller leur désir d'émancipation lors d'une initiation à la communication, à la confiance en soi et à la confidence intime. Grâce au vérisme de la réalisation proche d'un cinéma de Pialat et du jeu criant de vérité de ces acteurs transis d'émoi et de contrariété, Sara Forestier nous livre un poème urbain d'une fragilité personnelle, notamment en magnifiant une nature crépusculaire d'une candeur toute sensitive. Tant et si bien que le métrage déploie avec force brute (tant pour la rigueur des sentiments que de la tension sexuelle des personnages) un panel d'émotions furibondes, candides, passionnelles lorsque deux êtres introvertis, fragilisés par leur handicap, s'efforcent de s'unir pour tenter de cristalliser leur avenir en se libérant de la peur (si paralysante) de soi même au sein d'une société impitoyable (notamment lorsque Mo se retrouve cuisinier et doit affronter un supérieur aussi castrateur que condescendant).


Dans les yeux de Sara
Follement passionnée par son douloureux récit et d'autant plus amoureuse de ses personnages impliqués dans un tourbillon d'émotions bicéphales (le blanc / le noir), d'une sensibilité on ne peut plus sincère et d'une ambition forçant le respect dans la maîtrise de sa première réalisation où rien n'est laissé au hasard (notamment dans sa manière de saisir sans ambages les regards très expressifs), Sara Forestier nous livre avec M une confidence personnelle (quasi documentaire !) sur sa frénésie de vivre, d'aimer et de s'épanouir dans les bras d'un franc-tireur chrysalide. Fort et cruel (dans la dissension conjugale) mais magnifique, jamais plombant car débordant de vitalité dans une éthique à la fois optimiste et rédemptrice. 

* Bruno

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