mardi 2 janvier 2018

BLADE RUNNER 2049

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Dennis Villeneuve. 2017. 2h44. Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Robin Wright, Sylvia Hoeks, Mackenzie Davis, Carla Juri, Lennie James, David Bautista, Jared Leto.

Sortie salles France: 4 Octobre 2017. U.S: 6 Octobre 2017

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières. 1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoners. 2015 : Sicario. 2016 : Premier Contact. 2017: Blade Runner 2049.


Les réplicants sont des humains issus de la bio-ingénierie conçus par la Tyrell Corporation pour servir dans les colonies de l'espace, leur force faisant d'eux des esclaves idéaux. 
Après une série de violentes révoltes, leur production a été interdite et Tyreel Corp a fait faillite. 
L'effondrement des écosystèmes au milieu des années 2020 a favorisé l'essor de l'industriel Niander Wallace. Sa maîtrise de l'agriculture de synthèse a évité la famine. Wallace a racheté ce qui restait de Tyrell Corp et créé une ligne de réplicants obéissants. 
Nombre d'anciens modèles, les Nexus 8, sans durée de vie limitée, ont survécu. Ils sont traqués et "retirés". Ceux qui les traquent portent toujours le nom de Blade Runner. 
K, un nouveau Blade Runner docile, enquête sur un cheval de bois découvert sous un arbre. Ce qui l'amène à partir à la recherche de Deckard, l'ancien blade runner, afin de découvrir l'identité d'un enfant caché. 


Villeneuve le démiurge. 
Spectacle dystopique d'une beauté crépusculaire à damner un saint, Blade Runner 2049 est la séquelle de tous les risques à tenter d'émuler son modèle proverbial que Dennis Villeneuse s'impose sans prétention, sans fioriture ni effets de manche. Une valeur sûre de par sa riche filmographie tant et si bien qu'il parvient naturellement à imprimer sa petite touche personnelle avec l'intelligence cérébrale des thèmes métaphysiques/spirituels autrefois abordés. Et ce sans jamais singer le matériau d'origine, référence absolue du genre en dépit des critiques renfrognées de l'époque. C'est dire si à mon jugement de valeur Blade Runner 2049 constitue une suite digne, humble, révérencieuse, épurée, presqu'aussi hypnotique dans sa fulgurance formelle et le jeu nuancé, réservé, de chacun des comédiens parfois tiraillés par des pulsions de violence légitimes (notamment lors des mano à mano entre réplicants). Fraîchement sorti de ce rêve éveillé, les yeux embués d'images tantôt oniriques, tantôt cauchemardesques (atmosphère de claustration parfois irrespirable), il y avait bien longtemps que je n'avais pas participé à une expérience de cinéma aussi sensorielle, immersive, palpable, cristalline. Leçon de mise en scène (Villeneuve réinvente le cinéma d'anticipation qui plus est ADULTE ! Et non ce n'est pas un Blockbuster comme certains le prétendent !), matière vivante imprimée sur pellicule, Blade Runner 2049 se réapproprie des codes de Scott avec un brio étourdissant de par l'architecture de son climat austère traditionnellement aphone, languissant, vénéneux. Et ce en dépit de sa longue durée (risquant à coup sûr de lasser les sceptiques, voir aussi certains puristes) et de la parcimonie des scènes d'action pour autant percutantes car d'une beauté, d'un réalisme et d'une intensité renversants. Contemplatif et mélancolique en bonne et du forme (avec le juste équilibre d'une élégie musicale dépouillée), Blade Runner 2049 prend tout son temps à narrer son intrigue policière (K à la recherche de sa propre identité parmi l'indice du cheval de bois au moment de s'ouvrir l'esprit à distinguer le Bien du Mal) avec un humanisme désespéré, et ce même si Villeneuve s'écarte un peu de la notion de "film noir" cher à son modèle. Ryan Gosling  parvenant à imposer son jeu nuancé de "héros placide" avec autant de force tranquille que de fragilité candide (sa relation sensible avec l'hologramme Joi, sa méditation finale sur les marches d'un perron enneigé). Quand bien même le vétéran Harrison Ford lui partage discrètement la vedette avec une humilité aussi dense que lestement poignante (notamment lors d'un objet de compétition filial).


La nouvelle chair.
Spectacle absolu d'anticipation funèbre et versatile (le pessimisme et l'espoir finissent par se télescoper au fil de la quête identitaire de K et du parcours sclérosé de Deckerd), Blade Runner 2049 continue d'explorer les passionnants thèmes de son modèle en nous confrontant notamment à notre propre condition morale tributaire d'un contexte de crise sociale où l'homme se déshumanise un peu plus quotidiennement au fil d'une directive sociétale (ultra) codifiée et conservatrice, matérialiste et individualiste. En attendant qu'une nouvelle race (potentiellement) humaine se résigne à une insurrection planétaire,  je ne manquerai pas de me réfugier à nouveau dans ce poème contemplatif, beau, triste et étrangement charnel à la fois, tel la réminiscence infantile d'un cheval de bois autrefois conçu à une époque civilisée. 

* Bruno


de Ridley Scott. 1982. U.S.A. 1h57. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson, Brion James, Joe Turkel, Joanna Cassidy.

Sortie Salles France: 15 Septembre 1982. U.S: 25 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus.


D'après un célèbre roman de Philip K. Dick écrit en 1966 (les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), Ridley Scott s'atèle en 1982 d'y retranscrire son univers singulier au coeur d'un Los Angeles dystopique. Quatre ans après son chef-d'oeuvre Alien, ce dernier nous transfigure une clef de voûte de la SF cyber punk conjuguée au film noir afin d'imposer Blade Runner comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Et ce en dépit d'un sévère échec commercial et critique (l'oeuvre étant avant-gardiste et son rythme languissant) ainsi qu'une multitude de versions remaniées... Novembre 2019, Los Angeles. Quatre réplicants, androïdes confectionnés par l'homme pour devenir esclaves ouvriers, s'échappent de leur planète et reviennent sur terre afin de retrouver leur créateur. Rick Deckard, blade runner renommé, est enrôlé pour retrouver ces fugitifs et les exécuter. Dès les premières images, flamboyantes et crépusculaires, le dépaysement d'un univers futuriste expressif nous est illustré avec une esthétique fulgurante de réalisme ténébreux. A travers la plénitude incandescente d'une cité high-tech de Los Angeles, Blade Runner s'ouvre à nous, tel l'orifice d'un oeil azur transpercé d'un brasier industriel. Ce macrocosme démesuré, aussi opaque que polychrome dans sa palette de néons flashys et affiches publicitaires, s'avère d'autant plus hypnotique qu'il s'affilie à l'univers vétuste du polar noir des années 50. Par son architecture gothique, son design technologique et le style rétro de certains vêtements fagotés par les flics, Ridley Scott combine la modernité futuriste d'un monde en marasme puis celle antique d'une époque révolue. Le design (en demi-teinte) entres les jeux de lumière high-tech et l'obscurité des foyers tamisés instaurant une ambiance ténébreuse alors qu'en externe, sous une pluie battante, ou à la tiédeur d'une nuit récursive, chaque citadin déambule à l'instar de robots impassibles. L'incroyable richesse de ces décors fantasmatiques fignolant le moindre détail architectural, le sentiment tangible de se fondre dans cet univers oppressant culminant à l'oeuvre hybride d'une beauté plastique hallucinée !


A travers cette société aphone en surpopulation incitant les humains à s'exiler vers d'autres planètes, un flic indécis est contraint de traquer quatre réplicants toujours plus conscients de leur condition soumise. Quand bien même dans les résidences feutrées, certains habitants s'affublent d'un robot domestique afin de compenser leur ennui d'une existence dénuée d'émotions. Camouflés parmi la foule en ébullition, les réplicants sont des androïdes plus vrais que nature par leur physionomie humaine condamnés à vivre un court laps de temps (4 à 5 ans) en tant qu'esclave d'une société totalitaire en perte de repères. Soudainement épris de désespoir face à leur existence précaire, nos quatre fuyards se rebellent afin de retrouver leur créateur sur terre et rallonger éventuellement leur vie. Au climat à la fois désenchanté et suffocant, scandé du score élégiaque de Vangelis, Ridley Scott dépeint avec souci formel son univers blafard d'un futur hermétique où le sentiment prégnant de solitude se dévoile sous nos yeux auprès d'une populace atone. A travers le profil d'un flic équivoque prêt à neutraliser des robots nantis d'émotions, son cheminement va peu à peu l'initier à l'empathie des points de vue d'une droïde vertueuse et celui d'un réplicant anarchiste. Au cours de cette traque meurtrière jalonnée de plages de lyrisme funeste (la mort illégitime de Zhora incarnée par l'éminente Joanna Cassidy dans une posture insidieuse ou encore celle, symbolique, de Roy campée par un Rutger Hauer magnétique en ange déchu), le réalisateur traite avec complexité de la dichotomie du Bien et du Mal. De notre amertume et notre désagrément face à l'atavisme de la mort et la peur paranoïaque de l'étranger nous motivant à se protéger d'une éventuelle hostilité. L'oeuvre visionnaire (en quête de rédemption) illustrant donc (sans prétention) un monde moribond où chaque être se déshumanise un peu plus au fil de leur routine, et ce au profit d'une société robotisée. Quand bien même des androïdes avides de dignité sont aptes à nous substituer par leur faculté émotionnelle et sentimentale. Enfin, Ridley Scott nous s'interroge de manière métaphorique sur le sens de l'existence, sur notre condition humaine si fébrile et dépressive au gré des motivations interlopes d'un créateur alchimiste ou divin lui même perfectible.


Sommes nous des réplicants perfectibles conçus par un apprenti sorcier ?
Autour de la présence iconique d'Harrison Ford à la fois pugnace et réflexif, et l'élégance chétive de Sean Young transie de mélancolie existentielle, Blade Runner constitue une expérience de cinéma sensitif, pictural et auteurisant à travers la scénographie urbaine d'une métropole dystopique étrangement fantasmagorique. Sa réflexion spirituelle sur la foi en un dieu apatride et la déliquescence morale de l'homme contrôlée par un système ultra technologique opposant lueur d'espoir et pessimisme bouleversant par le biais d'une traque pour la vérité humaine et existentielle. Un authentique chef-d'oeuvre visionnaire d'une grande fragilité humaine, panthéon de la science-fiction aussi bien métaphysique qu'alarmiste.  

* Bruno
10.02.12

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