jeudi 7 décembre 2017

THELMA. Prix du Jury et du Meilleur Scénario, Catalogne 2017.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.fr

de Joachim Trier. 2017. Norvège/Suède/Danemark/France. 1h56. Avec Eili Harboe, Kaya Wilkins, Henrik Rafaelsen, Ellen Dorrit Petersen, Grethe Eltervåg

Sortie salles France: 22 Novembre 2017. Norvège: 15 Septembre 2017

FILMOGRAPHIE: Joachim Trier est un réalisateur et scénariste norvégien, né à Copenhague en 1974. 2006: Reprise. 2011: Oslo, 31 août. 2015: Back Home. 2017: Thelma.


Variation auteurisante de Carrie sans pour autant singer le chef-d'oeuvre de Brian De Palma, Thelma fait presque office d'ovni par son climat d'étrangeté ouaté aussi bien baroque qu'onirique (notamment au gré des étreintes vénéneuses que s'échangent sensuellement les deux héroïnes ou encore avec l'iconographie de sa nature végétative superbement contrastée d'une photo limpide !). Exarcerbé du jeu nuancé de l'épurée Eili Harboe (prix d'interprétation oh combien mérité au Festival de Mar del Plata !) portant littéralement le film sur ses épaules ténues, et de la réalisation sans fard de Joachim Trier brossant avec retenue le portrait d'une jeune catholique en proie à l'émancipation, Thelma envoûte avec une intelligence peu commune pour le genre ludique. Car sous ses allures de film fantastique à la fois trouble et inquiétant s'y extrait un drame psychologique vigoureux où le puritanisme religieux pourrait être le catalyseur des pouvoirs télékinésiques de Thelma. Jeune solitaire partie étudier à Oslo en toute autonomie, Thelma fait la rencontre de Anja avec qui elle finit par avoir une relation amoureuse. Influencée par celle-ci et ses amies, elle cède aux plaisirs interdits (alcool, sexe, drogue) depuis l'absence parentale. Mais sans raison apparente, Thelma souffre de violents malaises semblables à la crise épileptique. Elle décide de consulter un spécialiste afin d'élucider son inexplicable pathologie. 


Epousant le parti-pris de conter son histoire avec refus du spectaculaire, et ce en dépit de certaines séquences impressionnantes par sa froideur réaliste (celles du nourrisson provoquant un malaise des plus malsains), Thelma fait preuve de dextérité et d'imagination pour renouveler son thème surnaturel par le biais de la métaphore. Le récit cultivant plusieurs niveaux de lectures, tel celui de l'extériorisation d'une catholique trop longtemps bercée dans un enseignement rigoriste mais aujourd'hui délibérée à accomplir son destin après s'être débarrassée de ses démons que ses parents lui auront inculqué depuis sa trouble enfance. Emaillé d'indices que Joachim Trier dévoile au compte-goutte au fil de flash-backs toujours plus obscurs, Thelma provoque une impression d'étrangeté indicible par son atmosphère éthérée, notamment grâce au magnétisme d'Eili Harboe endossant son personnage torturé avec profond humanisme car d'une fragile sensibilité. De par son caractère introverti hanté par la peur de commettre l'interdit, celle-ci semble vouée à l'autosuggestion dans sa psychologie aussi torturée que complexe (notamment sa jalousie - parfois inconsciente - éprouvée auprès de son frère durant son enfance dépressive). La caméra observant ses agissements et caressant son visage avec une pudeur réservée afin de mettre en exergue son désarroi moral, son malaise identitaire de se réduire à une victime potentiellement irrécupérable.


Récit fantastique inquiétant semé d'interrogations quant à la nature réelle des évènements parfois décrits avec un onirisme baroque, drame cérébral d'une intensité assez rigoureuse quant au portrait démuni d'une étudiante chrysalide en voie de rémission, Thelma laisse une marque tangible dans l'encéphale grâce à l'ambition de sa réalisation autonome et à l'interprétation toute en finesse d'Eili Harboe crevant l'écran avec une trouble sobriété (il faut la voir pleurer face caméra dans sa nature prude, érudite et docile en éludant toute forme de sensiblerie). Pour les amateurs de Fantastique adulte et éthéré, l'oeuvre gracile du norvégien Joachim Trier ne doit pas être occultée ! 

@ Bruno

Récompenses: Festival international du film de Catalogne 2017 : Prix spécial du jury et Prix du meilleur scénario.
Festival international du film de Mar del Plata 2017 : Astor de la meilleure actrice pour Eili Harboe

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