vendredi 8 décembre 2017

MOTHER !

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Darren Aronofsky. 2017. U.S.A. 2h01. Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Domhnall Gleeson, Brian Gleeson.

Sortie salles France: 13 Septembre 2017 (Int - 12 ans). U.S: 15 Septembre 2017 (Int - 17 ans)

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur. 1998 : π, 2000 : Requiem for a dream, 2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2014: Noé. 2017: Mother !


On n'est pas obligé de comprendre pour aimer, l'important c'est de rêver. David Lynch.
Abasourdi, sonné, troublé, en perte de repères alors que le générique lénifiant continue de défiler sous mes yeux ! Je sors psychologiquement éreinté de la projo de Mother ! après avoir subi une expérience cinégénique aussi rigoureuse que profondément fascinante. Et ce en dépit de l'ultra violence de certaines scènes horrifiques que l'on croirait extraites d'un enfer de Dante, et de l'effluve de son climat oppressant littéralement vertigineux si bien que je n'avais pas éprouvé un malaise aussi bien viscéral que cérébral depuis le blasphématoire l'Exorciste (c'est peu de le dire et donc à marquer d'une pierre blanche !). Le pitch: un couple, une jeune femme qu'on appellera "mère" (car on ignore son nom) et son compagnon, un écrivain, vivent paisiblement dans une demeure bucolique jusqu'au jour où un étrange inconnu frappe à leur porte. Accueilli avec hospitalité par l'écrivain, la mère se demande quel est le sens de sa si grande générosité. Quand bien même on apprendra un peu plus tard que l'étranger possède dans sa poche une photo de l'écrivain. Le lendemain, c'est l'épouse de l'inconnu qui s'invite à son tour à leur foyer. Peu à peu, la mère éprise de malaise et de crise sombre dans une paranoïa en roue libre au fil de rencontres impromptues aussi bien impudentes qu'hostiles. A la croisée du cinéma de Lynch et surtout de Polanski (on peut clairement citer les références Rosemary's Baby, le Locataire et Répulsion pour ces thèmes imputés à la paranoïa, la timidité, l'isolement, le repli sur soi, la peur de l'étranger - ou plus précisément celle du voisin - et la crainte de l'enfantement parmi l'iconographie d'un fanatisme occulte, voir religieux), Mother ! est une expérience cauchemardesque sans retenue ! (ou si peu).


Mother's Baby.
Darren Aronofski, en pleine possession de ses moyens, nous livrant une réalisation hyper maîtrisée lorsqu'il s'agit de nous immerger dans l'introspection morale d'une mère livrée à la dépression et la paranoïa, faute d'un mari égoïste et condescendant privilégiant son addiction pour la célébrité au mépris de l'amour. Purement métaphorique de la 1ère à la dernière image, et donc multipliant à l'infini les divers niveaux de lecture (certains y voient une interprétation biblique ou écolo contre dame-nature, d'autres politique), Mother ! est avant tout une épreuve émotionnelle à rude épreuve dans son art de distiller une angoisse sensorielle permanente sous l'impulsion d'une bande-son stridente incroyablement limpide ! Le film parvenant littéralement à provoquer un malaise dépressif dans la faculté innée du réalisateur à nous plonger dans l'esprit névrosé de l'héroïne par le biais de plans larges où chaque pore du visage de Jennifer Lawrence transpire l'anxiété, la peur, la colère et le semblant de folie contagieuse ! Fragile, démunie, timorée, car inscrite dans la pudeur et si intègre, Jennifer Lawrence donne du corps et du coeur à son personnage fébrile avec une vérité humaine terriblement éprouvante ! Sa plongée vertigineuse dans l'incompréhension et la folie nous saisissant d'effroi au gré des comportements dérangeants car indociles d'hôtes désinvoltes fanatisés par la luxure, l'effronterie et la célébrité ! Au-delà de sa facture visuelle étourdissante de brio à donner vie à un environnement d'insécurité éthéré ou graphique (photo sepia à l'appui afin de renforcer son climat claustro toujours plus irrespirable) et d'une direction d'acteurs hors pair (Javier Bardem est notamment effrayant d'ambiguïté et d'hypocrisie à daigner protéger sa bien aimée afin d'amorcer son nouveau roman, Michelle Pfeiffer est détestable d'arrogance et de désinvolture !), Darren Aronofski aborde une réflexion sur l'addiction de la célébrité lorsque l'écrivain ne peut que poursuivre son talent en se nourrissant de l'amour des autres. Toujours plus égoïste et capricieux, ce dernier assujetti à sa création artistique s'abreuvant de l'amour et du soutien de son épouse pour retrouver l'inspiration d'un nouveau best-seller.


Un film mutant au climat de folie et de terreur dépravées où les esprits fonctionnent entre démence et provocation. 
Cauchemar sur pellicule proprement hallucinogène (le film fait clairement l'effet d'un bad trip sous acide au point de perdre pied avec notre réalité !), Mother ! ne nous laisse aucun répit pour nous entraîner dans la descente aux enfers "morale" d'une mère avide de grossesse mais discréditée par un mari cannibale où seul compte son égotisme. Eprouvant, traumatisant, sensoriel, ensorcelant, magnétique, révulsif, voir limite expérimental (me souffle mon amie Nelly !) Mother ! laisse en état de choc et d'épuisement par le biais d'une allégorie sur une nature humaine avide d'amour et de reconnaissance mais destituée de son égocentrisme. Film monstre tentaculaire sur l'éternelle procréation afin de préserver le devenir de l'humanité, ce chef-d'oeuvre funèbre extériorise le vampirisme de nos civilisations modernes fanatisées par la religion, le goût de la violence, l'irrespect de l'autre (dont celle de la nature) et l'instinct pervers de la possessivité. Une oeuvre hybride maudite (puisque incomprise et inévitablement conçue pour diviser) qui fera date dans son genre inclassable. 
Pour public averti 

P.S: par pitié, un Oscar pour Jennifer Lawrence !

@ Bruno

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