samedi 6 mai 2017

A 16 ANS DANS L'ENFER D'AMSTERDAM

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"La ragazza del Vondel Park" de Rino Di Silvestro (Axel Berger). 1984. Italie. 1h28. Avec Ann-Gisel Glass, Sebastiano Somma, Tony Serrano, Donatella Damiani

Sortie salles France: 2 Novembre 1984

FILMOGRAPHIE: Rino Di Silvestro est un acteur, scénariste et réalisateur italien né le 30 Janvier 1932, décédé le 3 Octobre 2009. 1985: Les nuits chaudes de Cléopâtre. 1984 À seize ans dans l'enfer d'Amsterdam. 1980 Bello di mamma. 1979 Baby Love. 1976 Les déportées de la section spéciale SS. 1976 La louve sanguinaire. 1974 Prostituzione. 1973 La vie sexuelle dans une prison de femmes


Epigone Z du traumatisant Moi, Christine F... 13 ans, droguée et prostituée, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam porte la signature de Rino Di Silvestro (aka Axel Berger), spécialiste du cinéma d'exploitation comme le souligne sa filmographie lucrative bien connue des fans bisseux. C'est notamment à lui que l'on doit l'étrange et (gentiment) fascinant La Louve Sanguinaire, aussi superficiel et saugrenu soit-il, si bien qu'il s'agit à mon sens de son meilleur film, du moins le plus atmosphérique, inquiétant et trouble dans son concentré d'érotisme et de lycanthropie gore. Délibéré à surenchérir le modèle d'Uli Edel à renfort de séquences glauques d'une déviance parfois étrangement fascinante (la séance de voyeurisme dans le train effleure la pornographie, son plan X inséré au cours d'une brève séquence pénitentiaire et les moult shoots que les drogués s'injectent de manière parfois si convaincante qu'on y soupçonne l'authenticité de leurs gestes !), A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam sombre dans le nanar à force de maladresses techniques, de cabotinage d'acteurs de seconde zone et d'ultra complaisance en roue libre.


Par le truchement d'une intrigue indigente à peine inspirée d'un épisode des Feux de l'Amour (une jeune ado, Anna, sombre dans la drogue et la pornographie au moment de tomber amoureuse d'un quidam au grand coeur), Rino Di Silvestro s'efforce de provoquer malaise et dégoût par le biais d'un décorum sordide où industrie pornographique, tapinage et fixettes d'héros sont le lot quotidien de notre héroïne tributaire d'un maquereau aussi paumé qu'elle. Au coeur de leur sempiternelle crise conjugale et des rapports houleux d'Anna avec sa mère, un quidam philanthrope succombe à ses charmes lors d'une séquence expéditive de drague improvisée (comptez 2 minutes chrono pour nous convaincre de leur étreinte). En prime d'un montage elliptique ahurissant de maladresse (à moins qu'il ne s'agisse d'une version Cut !), l'intrigue nous perd d'ailleurs un peu en cours de route en dépit de son extrême simplicité à surligner (et alterner) les déchéances physiques et morales d'Anna rendue toxicomane et les règlements de compte entre divers macros et l'amant au grand coeur. Pour autant, en dépit de tous ces défauts précités érigeant l'entreprise au rang de nanar d'exploitation, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam distille charme et sympathie à suivre (dans notre instinct voyeuriste gentiment pervers) les errances sordides d'Anna sous l'impulsion d'une narration fertile en péripéties et ce malgré ses redondances. A l'instar de son final musclé involontairement drôle car multipliant les pugilats de comptoir, faute du cabotinage des comédiens surjouant à n'en plus finir dans leurs expressions à la fois colériques, rebelles et démunies.


Pur produit d'exploitation estampillé Z, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam mérite le détour par son charme bisseux typiquement latin (comme le souligne d'ailleurs sa mélancolique partition musicale) au gré de situations scabreuses ostentatoires que Rino Di Silvestro prend plaisir à filmer sans aucun complexe (tel ce plan X aussi inopiné qu'il provoque soupçon de cocasserie !) et avec le désir de choquer le spectateur parmi des codes narratifs inévitablement ludiques. 

P.S: A noter que le montage est signataire du cinéaste Bruno Mattei ! Ceci explique cela !

Eric Binford

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo" (Nous, les enfants de la gare du Zoo) de Uli Edel. 1981. Allemagne. 2h09. Avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Rainer Woelk, Jan Georg Effler, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger.

Sortie salles France: 24 Juillet 1981 (Interdit aux - de 13 ans). Allemagne: 2 Avril 1981.

FILMOGRAPHIEUli Edel est un réalisateur, producteur et monteur allemand, né le 11 Avril 1947 à Neuenburg am Rhein (Allemagne).
1971: Der Kleine Soldat. 1976: Die Erzählungen Bjelkins (télé-film). 1977: Der Harte Handel (télé-film). 1978: Das Ding: (série TV). 1981: Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. 1984: Eine Art von Zorn (télé-film). 1987: Waldhaus (série TV). 1989: Dernière sortie pour Brooklyn. 1993: Body. 1994: Confessions d'une rebelle (télé-film). 1995: Mike Tyson, l'histoire de sa vie (télé-film). 1996: Raspoutine (télé-film). 1999: La Ville des Légendes de l'Ouest (télé-film). 2000: Le Petit Vampire. 2001: Les Brumes d'Avalon (télé-film). 2002: King of Texas (télé-film). 2002: Jules César (télé-film). 2003: Evil Never Dies (télé-film). 2004: L'Anneau Sacré (télé-film). 2008: La Bande à Baader. 2010: Zeiten Andern Dich.


"D'la pisse et d'la merde, partout ! Y'a qu'à r'garder ! Qu'est ce que ça peut faire que d'loin tout est l'air neuf et de grand standing, avec des blouses vertes, des supermarchés ! Ce qui pue l'plus à l'intérieur, c'est les cages d'escalier. Les enfants, qu'est ce qu'ils peuvent faire quand ils jouent dehors et qu'ils ont envie d'pisser ! Le temps qu'l'ascenseur arrive au 11è ou au 12è, ils ont fait dans leur culotte et ils reçoivent une raclée. Autant l'faire dans la cage d'escalier. Et j'habite là depuis qu'j'ai 6 ans, avec ma mère, ma soeur et mes chats. Et j'en ai ras l'bol ! En ville, il y a des affiches partout. Le Sound, la discothèque la plus moderne d'Europe. C'est là qu'je veux aller..." 

Expérience jusqu'au-boutiste à l'intensité dramatique impitoyablement éprouvante, Moi, Christiane F. est un uppercut émotionnel difficilement soutenable lorsque l'on témoigne impuissant de la descente aux enfers d'une junkie dans le Berlin des années 70. L'épreuve de force intarissable d'une adolescente de 13 ans prise au piège de son addiction à l'héroïne, est donc contrainte de se prostituer afin de subvenir à ses besoins depuis le divorce parental. Cette déchéance humaine en déclin, ce désespoir sans échappatoire, le spectateur la contemple avec un malaise viscéral et sensitif proche de la nausée. De par son ambiance lourde, oppressante, glauque (score lancinant hypnotique à l'appui !) régie autour d'une gare berlinoise fréquentée par de jeunes SDF, et son réalisme documenté extrêmement dérangeant qu'une caméra voyeuriste ausculte sans tabou (les seringues pénétrant dans les veines avant une giclée de sang, les crises de manque et les crampes où sueur et vomi s'entremêlent pour y arroser les draps et tapisser les murs, les rapports sexuels forcés avec une clientèle dépravée !).


Uli Edel ne recule donc devant rien pour relater sans concession le quotidien miséreux de Christiane et ses comparses déambulant, tels des zombies nécrosés, dans un quartier malfamé pour y tapiner afin de se procurer leur offrande. L'ultra réalisme alloué à leur cheminement urbain s'avère si tangible qu'on jurerait qu'acteurs méconnus et figurants marginaux se soient prêtés au jeu de la défonce pour se shooter volontairement face caméra ! Devant l'acuité d'une fascination aussi malsaine, aucun long-métrage n'était parvenu à un tel degré d'authenticité, à l'instar de la déliquescence physique des comédiens retranscrite en temps réel ! Si le jeu assez amateur des seconds-rôles juvéniles et les dialogues triviaux font preuve de facilité, le sentiment d'improvisation éprouvé se prête plutôt bien au climat de sinistrose auquel ils appartiennent, quand bien même une photo blafarde nous martèle l'esprit par sa facture opaque. Le cinéaste s'attardant perpétuellement à mettre en exergue leur contrariété psychique liée à l'accoutumance incontrôlée du produit (d'où ce parti-pris du montage elliptique !). Si Moi Christiane F. s'avère si implacablement immersif et criant de vérité dans la déchéance morale des toxicos, il le doit beaucoup au talent épidermique de Natja Brunckhorst. L'actrice se fondant dans la peau d'une infortunée avec un sentiment de désespoir collapsé et parmi l'apitoiement du regard affligé d'impuissance et de solitude !


Cri d'alarme contre une jeunesse déboussolée avide d'expérience nouvelle, épreuve de survie impartie à l'emprise de la came, Moi Christiane F... remémore dans une ambiance funéraire suffocante le témoignage le plus glauque, le plus sordide et éprouvant jamais traité sur le fléau. Outre son portrait vérité imparti à son héroïne mondialement célébrée par le best-seller des journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, Moi, Christiane F... laisse le spectateur dans un état de choc mutique sitôt le générique écoulé. Pour publics avertis mais à prescrire dans tous les collèges, lycées et universités ! 

A mon frère de coeur Pascal, décédé en Décembre 93, et à tous ceux qui n'ont eu la chance de s'en sortir...

Bruno Dussart

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