mercredi 30 décembre 2015

CREED

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Ryan Coogler. 2015. 2h13. U.S.A. Avec Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tony Bellew, Andre Ward, Tessa Thompson, Phylicia Rashād, Graham McTavish, Wood Harris.

Sortie salles France : 13 janvier 2016. U.S: 25 Novembre 2015

FILMOGRAPHIE: Ryan Coogler est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Mai 1986 à Oakland, Californie. 2013: Fruitvale Station. 2015: Creed


Spin-off de la saga Rocky dirigé par Ryan Coogler, cinéaste en herbe révélé par une première oeuvre dramatique lardée de récompenses (Fruitvale Station), Creed entreprend clairement de relancer la franchise par le biais d'une passation de pouvoir. Rocky ayant décidé in extremis d'entraîner le fils d'Appolo Creed, Adonis Johnson, afin de lui disputer un championnat du monde. Privé d'un père qu'il n'a jamais connu depuis sa naissance, c'est du côté de son coach qu'il décide de se rapprocher au moment même de parfaire communément un entraînement stoïque. Ce pitch simpliste surfant sur le même schéma que la saga Rocky avait de quoi laisser perplexe quant à la sincérité du projet, quand bien même durant sa première heure l'intrigue laisse peu de place à l'émotion parmi son air de déjà vu. A savoir l'idylle naissante d'Adonis avec sa voisine de palier, le recueillement de Rocky auprès de ses fidèles défunts (Adrian et Pauly), leur entrainement sportif et le match de compétition (même si successivement vite expédiés). Néanmoins, le soin imparti à la réalisation se réfutant à grossir le trait de la caricature parvient tout de même se détacher de la trivialité, notamment grâce au naturel des comédiens impliqués dans la sobriété d'une cohésion familiale.


C'est donc lors de sa seconde partie que Creed va prendre son envol à renfort de dramaturgie improvisée et d'émotion lyrique comme avaient su dignement les transcender Rocky 1 et 6. Sans jamais trahir l'esprit de la saga, Ryan Coogler s'efforce de mettre en exergue la nouvelle ascension de ce jeune boxer de couleur noire (au passage, joli témoignage de tolérance pour mettre en valeur sa communauté) particulièrement impulsif depuis son enfance difficile. Là où le film parvient doucement mais surement à insuffler de l'empathie émane des rapports père/fils qu'entretiennent tendrement Adonis et Rocky, quand bien même Stallone impose sa nouvelle présence avec une vérité humaine bouleversante. La gueule burinée de rides dans une posture inévitablement atone et le corps empâté, l'acteur se fond dans une peau sclérosée avec pudeur et fragilité par ses instants de remords, de conscience meurtrie et de remise en question. D'ailleurs, certaines séquences intimistes dont je tairais tout indice resteront à jamais gravées dans notre mémoire comme le souligne sa déchirante conclusion faisant écho à la nostalgie d'un temps révolu. Empruntant les thématiques de la vieillesse et de la maladie sans appui de sinistrose sentimentale, Ryan Coogler fait donc naître une émotion candide, notamment face au témoignage juvénile du jeune boxeur avide de revanche mais aussi de compassion pour son maître. Par le biais de leurs étroits rapports confrontés au même problème d'éthique, à savoir la volonté de se battre pour vaincre l'échec, Creed cultive une dimension humaine pleine d'humilité pour ces thèmes alloués autour de la fraternité, la romance, l'amour parental, la loyauté, l'espoir, le pardon, mais aussi la peur de l'échec et de la mort. Inévitablement compromis à la règle du sens du spectacle, Ryan Coogler parvient lors du point d'orgue à transfigurer un combat homérique au réalisme documenté alors que son score musical (Bill Conti himself) surenchérit l'acuité émotionnelle lorsque Creed tentera de toute sa hargne à vaincre son adversaire ! L'énergie foudroyante qui émane de leur pugilat, la sobre chorégraphie des affrontements et la réalisation aussi consciencieuse qu'inventive nourrissent une puissance dramatique en crescendo renouant avec les plus beaux corps à corps de la saga Rocky


En abordant les thèmes de l'absence paternelle et de la maladie autour de la compétition de la boxe, Creed parvient à se hisser au niveau de Rocky 1 et 6 sous l'impulsion d'un orphelin black en quête identitaire et sous l'autorité de son mentor destiné à s'éclipser au profit de la nouvelle génération. Riche en émotions lors de sa seconde partie, Creed parvient donc à réinterpréter l'histoire pour s'imposer comme digne successeur de l'héritage Balboa dans son intégrité de dépeindre la nouvelle gestation d'un héros davantage attachant au fil de sa constance initiatique. Quant à l'icone que caractérise le dinosaure Stallone, il livre là l'un des plus beaux rôles de sa carrière dans sa fonction pudique d'acteur vieillissant dont certaines séquences tireront les larmes aux plus sensibles. Hymne à la vie, à la nostalgie du temps et à l'amitié, une oeuvre magnifique rattrapée par l'incandescence de son évolution dramatique sous le brio d'un metteur en scène autonome inscrit dans la maturité. 

Dédicace à Stéphane Passoni
B.M.

La point de vue de Dimitri Derock :
Et oui, émotion le maître mot de ce film... Nous retrouvons 40 ans plus tard, la faim, que dis-je la rage de vaincre de Rocky Balboa via un jeune noir, qui n'est autre que le fils naturel d'Appolo Creed. Un film d'une humanité profonde que seul le Rocky désoeuvré des débuts pouvait nous offrir. Adrian partie, Paulie également, Rocky ne voit plus de raison de livrer un dernier combat. Adonis Creed va le convaincre... Nous retrouvons les rues et les places de Philadelphie qui n'ont pas changé, tous ces endroits qui furent témoins d'une immense gloire passée, la musique qui revient dans l'ultime round achève de nous mettre le poil au garde à vous... Une magie revient 40 ans plus tard. Un film plein de colère, de l'amertume du temps qui passe, mais toujours de cette sensation indéfinissable qui nous oblige à voir en Rocky Balboa un ami, un vrai. Pas de larme pour ce qui me concerne mais un immense bol d'air à travers ce choc générationnel bouleversant...

L'avis de Peter Hooper:
Note : 5,5 / 6
// Le ring de l’homme //
Deux hommes avancent, cotes à cotes. Une main puissante, épaisse, abîmée, posée sur l’épaule de l’autre dans son peignoir de satin. Un travelling rendu interminable par une image ralentie, un couloir qui semble ne plus finir, dans un bruit de fond aux tonalités distordantes, étouffées, presque inaudibles. Puis enfin le bout du tunnel, face aux portes battantes des sons qui deviennent distinctement les clameurs d’un public surexcité, autour de ce ring ou va avoir lieu LE combat. C’est l’image que je garderai de ce « Creed ». Un plan hautement symbolique et qui incarne à la perfection ce passage de témoin, cette transmission, une scène héritage.
« Balboa » (2006) était un formidable album photo offert aux fans. Fidèle parmi les fidèles, j’ai découvert les deux premiers volets en VHS quelques mois avant de me ruer en salle pour « L’œil du tigre ». Nous étions en 1982, je n’avais pas encore 17 ans…En feuilletant « Balboa » c’était toute la vie de ce self-made-man qui défilait, le héros parfait de mes illusions d’adolescent. Un livre souvenir dont chaque image me renvoyait a Vingt-quatre ans de ma propre existence, de ce lycéen puis étudiant devenu père. Avec ce film Stallone nous offrait le plus beau des cadeaux, un hommage parfait comme épilogue d’une formidable saga et avec lui la boucle était admirablement bouclée.
Lorsque j’ai eu écho d’un nouvel opus j’ai d’abord été quelque peu « vexé » dans ma groupie attitude ! Sans aller jusqu'à parler de trahison ou de crime de lèse majesté, je ne voyais franchement pas l’intérêt de ressortir ces gants dont le cuir risquait de sentir fortement la naphtaline! Mais c’était sans compter sur un incroyable scénario, dont je n’avais pas présagé une seconde de sa force !
Un fil tendu entre passé et futur la ou la cloche du sixième round sonnait au présent. Un récit extrêmement habile jonglant subtilement entre les ombres d’hier et la lumière de demain. Exit pathos et passéisme outrancier qu’on pensait légitiment devoir endurer, Ryan Coogler distille avec une scientifique parcimonie les gimmicks de la saga et assure un collage parfait avec l’époque actuelle où se situe l’intrigue.
Une intelligente narration dans un langage permettant une compréhension intergénérationnelle, une traduction par tous et ce même si on ne connaît pas « toute » l’histoire, au contraire donc de « Balboa ». Des « jeunes » ou peut-être des moins jeunes qui auront même sûrement envie de séances « adjuts your tracking »afin de combler le retard…
« Creed » c’est donc le fils de son père, celui sans qui au final « tout cela » ne serait probablement jamais arrivé. Un fils illégitime qui a pourtant hérité du sang et de la hargne de son géniteur de champion. Un rôle campé par Michael B. Jordan, redoutable de justesse, tout en détermination sans jamais en faire des tonnes, comme le dit d’ailleurs très bien Bianca (Tessa Thompson), sa future « Adrian » « tu ne ressemble pas a un boxeur » . Pas complètement non…sauf quand il cogne ! C’est donc lui qui doit mettre les gants, le short (…) et monter sur le ring pour tenter a son tour de devenir LE champion.
Oui, ok, et Rocky dans tout ça ?? Déjà il sait se faire attendre, et on a du mal à ne pas trépigner d’impatience pendant de très longues minutes sur son siége! C’est dans son restaurant Adrian’s ou se rend Adonis, qu’il surgit pour la première fois, enfin! Les épaules toujours aussi larges et la démarche nonchalante, agitée de quelques petits tics, bref : iconique ! Une scène où se bousculent les tableaux souvenirs dans un dialogue rendu d’autant plus savoureux par la grâce de ce secret dévoilé, qui nous hantait depuis l’épilogue de « Rocky III » ! Balboa, et je ne dévoile rien, qui va accepter de devenir l’entraîneur du fils d’Apollo et nous livrer par la même occasion une interprétation d’une rare épaisseur, probablement la plus belle de sa riche carrière.
Vieillissant mais ce petit trait d’humour un rien désuet toujours intact. Un charisme a en crever d’émotion, le père, le grand père ou le « tonton » qu’on rêverait tous d’avoir. Généreux, protecteur, la force tranquille, bon, juste un papi qui regarde son poulain avec « l’œil du bienveillant ». Hilarant dans sa peau d’ « ancien » étonné de voir Adonis prendre une photo avec son smart phone de sa feuille d’entraînement, craignant qu’il l’égare, et qui découvre le principe du Cloud !
On aime Rocky car on a souffert pendant 35 ans, on a encaissé ses coups, enduré ses entraînements surhumains, sué, saigné…mais assurément jamais autant que dans « Creed », dans ce nouveau combat (no spoile !!!). Un combat qui assure le fil rouge de la deuxième moitié du film, stigmates du courage et de l’abnégation.
Il n’y a plus de Mickey, plus d’Apollo, plus d’Adrian, plus de Pauli…a présent il faut sauver Rocky ! Ce que tentera de faire pour nous le jeune boxeur en menant ce double combat. Bouleversant Sly…
Le score, comme depuis 1975, est au rendez-vous. Ludwig Göransson nous livre une composition tout en nuance, entre quelques notes familières parfaitement identifiables prises en étau par ces accords hyper vitaminés dopés au rap et au R'n'B, des musiques de « Djeuns », sans oublier les rythmiques brutales très « tambours du Bronx » qui viennent souligner la brutalité des coups .
Un mixage parfait, comme l’ensemble.
Au final « Creed » au delà d’un simple spin-off fonctionne comme une relecture moderne du « Rocky » originel, une sorte de remake modernisé, ce que viennent confirmer certains plans « décalqués » , jusqu’au sweat gris d’Adonis et les cris de la foule scandant « Creed ! Creed ! Creed !... » . Mais rien qui puisse nous faire bouder notre plaisir avec, de plus, des combats hallucinants de réalisme, sûrement ce que j’ai vu de plus convaincant a ce jour !
Quel bonheur ! Et l’étalon italien malgré un cœur et des jambes fatiguées (formidable et émouvant épilogue !) porte quand même sur ses épaules la plus cohérente et la plus enthousiasmante saga de l’histoire du cinéma.
A présent mon gars tu peux jeter l’éponge tranquille, je te le dis droit dans ton œil de tigre : on t’aime !

Récompenses: National Board of Review Awards 201528 : Top 10 des films de l'année, meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Boston Online Film Critics Association Awards 201529 : Top 10 des films de l'année, meilleur acteur pour Michael B. Jordan, meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Southeastern Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Phoenix Film Critics Society Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Las Vegas Film Critics Society Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Utah Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
St. Louis Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Austin Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone

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