vendredi 20 novembre 2015

L'ECHELLE DE JACOB. Grand Prix de l'étrange, Prix de la critique et Prix du public, Avoriaz 1991.

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

"Jacob's Ladder" de Adrian Lyne. 1990. U.S.A. 1h52. Avec Tim Robbins, Elizabeth Peña, Danny Aiello, Matt Craven, Pruitt Taylor Vince, Jason Alexander.

Sortie salles France: 16 janvier 1991. U.S: 2 novembre 1990.

FILMOGRAPHIE: Adrian Lyne est un réalisateur et producteur britannique, né le 4 Mars 1941 à Peterborough (Grande Bretagne).
1980: Ca plane les filles. 1983: Flashdance. 1986: 9 semaines et demi. 1987: Liaison Fatale. 1990: L'Echelle de Jacob. 1993: Proposition Indécente. 1997: Lolita. 2002: Infidèle. Prochainement: Back Roads.


Grand Prix de l'étrange, Prix de la critique et Prix du public à Avoriaz en 1991, classé comme l'un des 10 films les plus terrifiants de tous les temps selon certains sites spécialisés, l'Echelle de Jacob aborde le thème de la drogue synthétique que certains chimistes auraient expérimenté sur des soldats ricains afin de décupler leur performance physique au front vietnamien. Inspiré d'évènements réels quant à l'utilisation frauduleuse du Benzilate de 3-quinuclidinyle que le Pentagone s'est toujours forcé de nier (ce que surligne le générique de fin), l'Echelle de Jacob est une descente aux enfers paranoïde lorsque la réalité du quotidien se télescope parmi les hallucinations d'un groupe de survivants soumis à leurs effets secondaires psychotiques. Mais sous ses allures de thriller d'épouvante aussi oppressant qu'éprouvant (notamment ce prologue belliqueux illustrant de façon erratique le carnage d'un guet-apens !) se cache un douloureux drame psychologique du point de vue de Jacob. Un ancien vétéran du Vietnam sévèrement molesté par ces visions de cauchemar surgissant de son esprit sans prévenir. A ce titre, plusieurs visions d'effroi nous ébranlent durablement l'esprit lorsque que le héros, déjà fragilisé par son expérience du Vietnam et la mort de son fils, assiste impuissant à endurer ses images démoniaques.


C'est donc une terreur "psychologique" que nous illustre froidement Adrian Lyne par le biais de ce cobaye en perdition, d'autant plus isolé à combattre son mal-être depuis la démission de ses collègues et celui de son avocat. Pour pimenter la donne, certains de ses comparses tous aussi marqués par la guerre sont sujets à d'étranges incidents mortels quand bien même la tête de Jacob se retrouve mise à prix par une organisation mafieuse ! Avec l'originalité d'un tel scénario inspiré d'un fait réel et témoignant du trauma de la guerre sous un aspect rarement abordé, l'intrigue dégingandée passionne de bout en bout sous l'impulsion d'un Tim Robins habité par l'aliénation. De par sa prestance viscérale névrosée où l'angoisse suinte de chaque pore de son visage, sa présence malingre distille un climat malsain terriblement anxiogène au fil de son investigation à tenter de percer les aboutissants de sa pathologie et à dénoncer au grand jour les expérimentations de la guerre chimique. Outre le fait de cafarder ces pratiques immorales de l'armée américaine, Adrian Lyne aborde en annexe une réflexion spirituelle vis à vis du cheminement introspectif de Jacob. Par le biais de séquences intimistes imparties à l'innocence sacrifiée, l'Echelle de Jacob évoque notamment la perte de l'être aimée et la peur de la mort avec une émotion poignante jamais sirupeuse. Spoil ! La mort ici rédemptrice et apaisante venant clarifier la donne pour délivrer notre héros de sa condition torturée. Fin du Spoil ! 


Malsain et dérangeant, anxiogène et proprement terrifiant par ses multiplies visions de cauchemar tout droit sorties de l'enfer, l'Echelle de Jacob insuffle un malaise paranoïaque au spectateur embarqué, comme le héros, dans un bad-trip expérimental sans échappatoire. Un grand film d'épouvante communié à l'intensité du drame humain car entièrement dédié à la psychologie d'une souffrance schizophrène. 

Dédicace à Pand Emy
2èx

Récompenses: Grand Prix de l'étrange, Prix de la critique et Prix du public au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1991.

3 commentaires:

  1. En ces temps troublés, j'éprouve à nouveau l'envie de me frotter à ce genre de films (j'avais oublié celui-ci, effectivement très impressionnant, merci de m'avoir rafraichi la mémoire !)
    Je mets ça sur le compte d’une réaction saine pour une part, malsaine pour l’autre.

    Pour la part saine :
    Il s’agit d’abréagir l’horreur du monde : se confronter volontairement à l’épouvante, par oppostion à celle qui nous est imposée par l’actualité résolument black et mortifère qui en a refroidi plus d’un récemment (je ne te mets pas de lien vers un énième article gore sur le massacre du bataclan, tu vois ce que je veux dire)

    Pour la part malsaine :
    "Dans son étude sur la forme que revêt le masochisme chez l’homme moderne, Thedor Reik avance une vue intéressante. Le masochisme est plus répandu que nous ne l’imaginons car il prend une forme atténuée. La dynamique de base est la suivante: le sujet perçoit quelque chose de mauvais dont la venue est inévitable. Il ne peut rien faire afin d’interrompre le processus; il est réduit à l’impuissance. Le sentiment de son impuissance engendre chez lui le besoin d’exercer quelque contrôle sur cette souffrance imminente - n’importe quelle forme de contrôle fera l’affaire. C’est logique: le sentiment subjectif de sa propre impuissance est plus douloureux que la souffrance à venir. Aussi le sujet a-t-il recours, pour se rendre maître de la situation, à la seule voie qui lui reste ouverte: il concourt à hâter la venue de ce malheur prochain. Cette activité encourage chez lui l’impression erronée qu’il aime la souffrance. Il n’en est rien. La vérité est simplement qu’il ne peut plus supporter sa propre impuissance, ou son impuissance supposée. Mais le mécanisme par lequel il acquiert la maîtrise de cette souffrance de toute façon inévitable l’amène automatiquement à devenir anhédoniste (c’est-à-dire à ne plus pouvoir ou à ne plus vouloir éprouver le plaisir). L’anhédonie s’installe sournoisement et en vient, au fil des années, à dominer le sujet. Ainsi apprend-il, par exemple, à différer la gratification - c’est là une étape du triste processus de l’anhédonie. En apprenant à retarder la gratification, il éprouve un sentiment de maîtrise de soi; il est devenu stoïque, discipliné; il ne cède pas à la pulsion. Il possède la maîtrise. Maîtrise de soi quant à ses pulsions, maîtrise de la situation extérieure. Il est un sujet qui se maîtrise et qui maîtrise. Bientôt, il a étendu le processus et exerce sa maîtrise sur d’autres sujets, car cela fait partie de sa situation. Il devient un manipulateur. Naturellement, il n’est pas conscient de la chose; il ne s’agit pour lui que d’atténuer le sentiment de son impuissance. Mais la tâche qu’il s’est ainsi fixée le conduit à asservir insidieusement la liberté d’autrui. Pourtant il n’en retire aucun plaisir, aucun gain positif sur le plan psychologique; tous ses gains à lui sont fondamentalement négatifs."
    rapporté par Philip K. Dick dans Siva (Trad. Robert Louit)

    d’autant plus que malheureusement, tout ce que nous regardons nous envahit.
    http://johnwarsen.blogspot.fr/2014/12/tout-ce-que-nous-regardons-nous-envahit.html

    désolé pour la tartine, c'est toi qui as commencé
    ;-)

    RépondreSupprimer
  2. Lol. Merci de ton commentaire John Warsen ^^

    RépondreSupprimer
  3. Mais c'est qu'il répond, l'effronté !
    ;-)

    RépondreSupprimer