mercredi 4 novembre 2015

LA MOUCHE. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 87.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

"The Fly" de David Cronenberg. 1986. U.S.A. 1h35. Avec Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz, Joy Boushel, Leslie Carlson, George Chuvalo.

Sortie salles France: 21 Janvier 1987. U.S: 15 Août 1986

FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014:Maps to the Stars.


Déclinaison du classique de Kurt Neumann réalisé en 1958, La Mouche version 86 transcende la définition du terme "remake" dans le sens où Cronenberg réinterprète avec une rare intelligence l'histoire de l'écrivain George Langelaan à la manière d'un drame psychologique d'une intensité bouleversante. Métaphore sur le cancer illustrée de manière horrifique, La Mouche dépeint la dégénérescence irréversible d'un physicien à l'origine d'une invention révolutionnaire, la téléportation. Après avoir réussi l'expérience avec un babouin, Seth Brundle décide de se porter volontaire pour se téléporter d'une machine à une autre. Mais durant l'épreuve, une mouche s'est incidemment introduite dans la machine si bien que l'ordinateur décide de les fusionner. Pourvu d'une force surhumaine et d'une énergie pétulante, Seth Brundle finit par se dégrader physiquement pour se métamorphoser peu à peu en insecte humain. 


Ce concept original aussi débridé que cauchemardesque, David Cronenberg le traite avec un sérieux imperturbable, là ou n'importe quel tâcheron se serait facilement vautré dans la gaudriole de série Z. Une trame improbable, voire même ridicule, que le cinéaste parvient haut la main à rationaliser par le biais d'une mise en scène maîtrisée, le souci du détail de l'étude scientifique et le brio de comédiens taillés sur mesure. Entièrement alloué à la dimension humaine des personnages, l'intrigue nous plonge avec force et détails (FX renversants à l'appui !) dans le désarroi d'un scientifique émérite sur le point de révolutionner nos moyens de transport avant de voir ses travaux bafoués par la cause d'un insecte. Par le biais d'une réflexion sur les progrès inquiétants de la recherche scientifique, David Cronenberg en extrait une magnifique tragédie humaine sur la déroute d'un physicien sombrant peu à peu dans le désespoir et la folie depuis que son corps et son mental sont amenés à adopter les réflexes d'une mouche. Epaulé du score fragile de Howard Shore et des maquillages saisissants de Chris Wallas, le film cultive un réalisme scrupuleux quant à la métamorphose du héros succombant également dans une éthique dénuée de politique comme le souligne l'existence frigide des insectes. En prime de nous ébranler la vue avec les visions cauchemardesques de la victime atteinte d'une difformité toujours plus décharnée, Cronenberg nous émeut par l'entremise d'une douloureuse histoire d'amour que le héros entretient avec une journaliste philanthrope. Impuissante face à sa déchéance corporelle et psychologique, son témoignage donne lieu à des séquences toujours plus poignantes lorsque le duo s'efforce vainement de trouver une solution de dernier ressort face à une situation aberrante où la malchance aura décidé d'en châtier le responsable. 


Sommet d'émotion et d'angoisse dépressive que Jeff Goldblum et Geena Davis transcende avec un humanisme aussi fébrile que bouleversant, la Mouche exploite l'alibi de l'argument horrifique pour en extraire un drame psychologique d'une émotion viscérale. Notamment parce que le thème de la maladie incurable nous concerne tous lorsque la mutation du cancer s'efforce de nous anéantir avec une partialité intolérable. De cette nouvelle chair hybride, Cronenberg en extirpe un chef-d'oeuvre aussi fragile qu'intelligent pour sa réactualisation d'une célèbre nouvelle. Ou lorsque l'élève dépasse le maître. 

La Chronique de la Mouche 2 (la): http://brunomatei.blogspot.fr/2014/04/la-mouche-2-fly-2.html

Bruno Matéï
5èx

Récompenses:
Oscar du Meilleur Maquillage pour Chris Walas et Stephan Dupuis en 1987.
Prix du meilleur film d'horreur, meilleur acteur (Jeff Goldblum) et meilleurs maquillages lors des Saturn Awards, 1987.
Prix spécial du jury au Festival International du film fantastique d'Avoriaz, 1987

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