mercredi 13 mai 2015

CALVAIRE. Prix de la Critique, Prix du Jury, Prix Première, Gérardmer 2005.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Fabrice Du Welz. 2004. France/Belgique/Luxembourg. 1h33. Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Jean-Luc Couchard, Brigitte Lahaie, Gigi Coursigny.

Sortie salles France: 16 Mars 2005. Belgique: 9 Mars 2005

FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


Récompensé au Festival de Gérardmer, de Cannes et d'Amsterdam, Calvaire surpris les cinéphiles pour ce premier essai réalisé par un cinéaste belge, Fabrice Du Welz. Véritable coup de maître dans la maîtrise de sa mise en scène autonome cédant parfois à l'expérimentation et dans sa faculté de distiller un malaise aussi prégnant que répulsif, Calvaire emprunte le genre horrifique sous couvert de survival hérité de ses ancêtres Délivrance et Massacre à la Tronçonneuse (dont un fameux "clin d'oeil" pour la scène du souper !). Après son dernier concert, un chanteur de maison de retraite tombe en panne de voiture sur le chemin forestier du retour. Par le biais d'un étrange inconnu, Marc est ensuite aimablement dirigé vers l'hospitalité de Bartel, un veuf vivant reclus dans sa ferme. Au fil de leur relation amicale, Marc éprouve un malaise face à la désinvolture de ce dernier hanté par sa solitude depuis le décès de sa femme. Alors qu'il s'était disposé à réparer son véhicule, Bartel s'en débarrasse finalement afin de séquestrer son hôte. Le calvaire peut commencer... 


Plongée horrifique dans le tréfonds de l'aliénation mentale, Calvaire aborde la thématique du refoulement sexuel du point de vue de paysans vivant en autarcie dans leur nature sauvage. Privés de toute présence féminine, ils s'adonnent en guise de sexualité et d'ennui à la zoophilie sur leur propre bétail. Ce qui nous vaut déjà une étreinte sulfureuse proprement dérangeante dans sa manière de diluer une perversité immorale par la suggestion de l'acte innommable. Farce macabre sur le besoin irrépressible d'être aimé et le poids de la déréliction entraînant chez ces métayers rétrogrades une schizophrénie influente, Calvaire multiplie les séquences inconfortables sous la main-mise du ravisseur Bartel. L'incroyable Jackie Berroyer endossant son rôle avec une ironie sournoise dans ses expressions d'impudence et de pulsions désaxées. Toutes les séquences d'humiliations et de tortures infligées sur Marc s'avérant aussi cruelles que sardoniques dans sa condition de victime estropiée. Réduit à l'état de travelo tuméfié d'ecchymoses, ce dernier est contraint de se fondre dans la peau de l'épouse soumise sous l'impériosité possessive de Bartel. Quand aux seconds-rôles tout aussi demeurés qui empiètent le récit, Fabrice Du Welz persévère dans le malsain et le crapoteux lorsque les voisins de Bartel décident de s'accaparer de son fameux trophée en guise d'esclavage sexuel. Influencé notamment par la Traque de Serge Leroy, il nous transcende une dernière partie aussi anxiogène que chimérique lorsque Marc est contraint de s'incliner dans les brumes d'une forêt spectrale où plane un silence de mort (des plages oniriques d'un esthétisme ténébreux à couper le souffle !). 


A travers les thèmes de l'obsession sexuelle et amoureuse, du refoulement, de la psychose et de l'isolement, Fabrice Du Welz transfigure avec Calvaire un sommet d'horreur psychologique où l'humour noir et le scabreux se télescopent avec un réalisme déroutant (à l'instar de la "danse obsédante des fous" composée au piano dans une auberge chargée d'atmosphère sulfurique !). Fascinant et perturbant à la fois, l'expérience de Calvaire, survival référentiel, possède finalement une identité quant à la personnalité hétérodoxe de son auteur provocateur.  

Bruno Matéï

Récompenses: Grand Prix du meilleur film fantastique européen, lors du Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2005
Prix de la critique internationale, Prix du jury et Prix Première, au festival de Gérardmer, 2005
Nomination au prix de la meilleure photographie, lors des Joseph Plateau Awards en 2006
Prix Très Spécial, Cannes 2004

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