vendredi 19 décembre 2014

MORSE (Låt den rätte komma in / Let The Right One in). Grand Prix, Gérardmer, 2009.

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Tomas Alfredson. 2008. Suède. 1h55. Avec Kare Hedebrant, Lina Leandersson, Per Ragnar, Henrik Dahl, Karin Bergquist, Peter Carlberg.

Sortie salles France: 4 Février 2009. Suède: 24 Octobre 2008

FILMOGRAPHIE: Tomas Alfredson est un réalisateur suédois, né le 1er Avril 1965 à Lidingo en Suède. 1994: Bert: The Last Virgin (Bert: Den siste oskulden). 2003: Office Hours (Kontorstid)
2004: Four Shades of Brown (Fyra nyanser av brunt). 2008: Morse (Låt den rätte komma in). 2011: La Taupe (Tinker, Tailor, Soldier, Spy).


Réalisateur suédois inconnu chez nous, Tomas Alfredson s'est fait connaître en 2008 avec Morse, un film fantastique indépendant ovationné à travers le monde par une pléthore de récompenses. Empruntant au mythe du vampire, la trame nous illustre avec pudeur et sensibilité contenues l'amitié naissante d'une fillette vampire de 12 ans avec son voisin d'immeuble, un adolescent timoré du nom d'Oskar. Au fil de leur relation intime, ils vont apprendre à se connaître et s'échanger des confidences en dépit des exactions meurtrières qu'Eli doit commettre afin de survivre. Sur le papier, si ce pitch superficiel semble concourir la carte des bons sentiments dans la mouvance d'un Twilight suédois, Tomas Alfredson a suffisamment d'ambition et de personnalité pour transcender à l'écran un poème macabro-féerique touché par la grâce de ses têtes blondes. 


Ecartant les conventions éculés, ces vampires suédois sont ici marqués par la solitude dans leur comportement criminel et monstrueux, préférant parfois même céder au sacrifice du dernier ressort plutôt que de transmettre la contagion auprès d'un innocent. Outre le soin formel d'une réalisation maîtrisée laissant libre court à l'esthétisme immaculé d'une banlieue enneigée, et auscultant au plus près la pureté des sentiments de nos héros, Morse fait appel à l'émotion prude pour nous interpeller face à leur posture amoureuse difficilement concrétisable. Car prisonnière dans le corps d'une adolescente de 12 ans et affermie par sa maturité, Eli ne peut entamer une relation durable avec le premier venu, spécialement ce jeune Oskar fragilisé par la persécution et la vengeance. En alternant l'horreur d'agressions perpétrées au coeur d'une urbanisation enneigée et l'intimisme de leur frêle relation, Tomas Alfredson déploie un saisissant contraste dans la ténuité sentimentale et la violence viscérale. A travers leurs rapports amicaux davantage bienveillants, c'est une initiation à la révolte et à la mort qu'Oskar doit emprunter en tant qu'auditeur puis témoin afin de s'affirmer aux yeux des autres. En particulier celui de braver les quotidiennes brimades imposées à un trio de camarades délinquants inscrits dans la lâcheté. La démission parentale est également soulignée dans la condition esseulée d'Oskar vivant reclus avec une mère effacée, alors qu'Eli, co-habite avec un paternel corrompu par sa connivence meurtrière. L'identification pour ce jeune couple livré à l'abandon n'en n'est alors que plus empathique dans leur situation démunie d'amants en quête rédemptive. 


Récit initiatique auquel un garçon timoré affronte la cruauté de l'adolescence du point de vue d'une délinquance juvénile et de celle d'une vampire infortunée, Morse insuffle avec originalité et poésie une justesse d'émotion dans le cheminement d'une romance trouble destinée à l'isolement. Leçon de tolérance pour le droit à la différence, on est d'autant plus bouleversé par le score mélancolique de Johan Soderqvist accompagnant cette odyssée prude avec une acuité vertigineuse. Un chef-d'oeuvre d'une pudeur à fleur de peau contrastant avec le stylisme des situations morbides. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Meilleur film et meilleur photographie au 31e Festival international du film de Göteborg.
Meilleur film au Festival du film de TriBeCa 2008.
Méliès d'argent au 8e Festival International du film Fantastique de Neuchâtel.
Meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure photographie au festival Fantasia 2008
Meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure photographie aux European Independent Film Critics Awards
Prix de la critique et meilleur réalisateur au 12e festival international du film fantastique de Puchon
Prix de la critique au festival NatFilm 2008
Prix de la critique au Festival international du film de Toronto 2008
Méliès d'or du meilleur film fantastique européen de 2008
Grand prix du festival Fantastic'Arts de Gérardmer en 2009
Prix de la critique au festival Fantastic'Arts de Gérardmer en 2009
Silver Scream Award au Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2009
Meilleur film étranger à la British Independent Film Awards 2009

2 commentaires:

  1. j'ai littéralement adoré ce film , qui fut pour moi un véritable choc , un grand ascenseur émotionnel !
    ce que tu retranscris toujours très bien; les deux mioches sont bouleversants dans ce prisme sur la jeunesse foudroyée, et ça fonctionne a merveille .
    la photographie "nordique" donne une image a la beauté ...glacante !
    bravo pour ta plume au service de ce conte ...
    sérieux je n'ai qu'une envie , le revoir .
    par contre comme tu le sait il ont fait le remake ricain (ne te retourne pas ) qui ne le mérite pas (de se retourner ) .

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  2. On est bien d'accord Inglorius. J'essaierai peut-être de revoir son remake un de ces 4 que je n'avais pas vraiment accroché.

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