mercredi 19 septembre 2012

La Chair et le Sang (Flesh and Blood)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com 

de Paul Verhoeven. 1985. U.S.A/ Espagne/Hollande. 2h06. Avec Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Jack Thompson, Brion James, Ronald Lacey, Simon Andreu, Jake Wood, Bruno Kirby, Tom Burlinson.

Sortie salles France: 2 Octobre 1985. U.S: 30 Août 1985

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam. 1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book.


Première production hollywoodienne pour Paul verhoeven, en affiliation avec l'Espagne et son pays natal, La chair et le Sang se solde d'un échec public dès sa sortie en 1985. Pour élucider cette défaite, son concentré de violence tranchante et de verdeur érotique eurent sans doute gêné un public trop frileux habitué à l'édulcoration de récits moyenâgeux en bonne et due forme. Epaulé de son acteur fétiche Rutger Hauer et recrutant la jeune comédienne Jennifer Jason Leigh pour son premier grand rôle à l'écran, cette épopée médiévale transpire la chair (la peste) et le sang comme aucune autre production n'eut osé la retranscrire. Ainsi, à travers l'idylle amoureuse d'un mercenaire immoral et d'une jeune femme manipulatrice, Paul Verhoeven nous confronte à une lutte de classes au coeur de l'Europe du 16è siècle si bien que Steven, jeune seigneur pugnace tentera de récupérer sa belle, prisonnière du clan rival des frondeurs incultes. Transposé à l'époque du moyen-âge à l'orée de la renaissance, La Chair et le Sang nous confronte à partager l'intimité de cette troupe de voleurs mesquins réfugiés au sein d'un château après l'avoir assailli. Au préalable, ces derniers furent trahis par leur propre seigneur durant une rude bataille. Mais une embuscade savamment planifiée par ces activistes leur auront permis de récupérer l'argent dérobé. C'est par cette occasion fructueuse que le leader Martin s'entreprend d'enlever la princesse Agnes pour la violer parmi le témoignage de ses comparses. Mais la jeune vierge finaude et séductrice parvient in extremis à charmer son tortionnaire au point de le rendre éperdument amoureux. 


Par conséquent, cette romance vénéneuse traversée de batailles homériques conjugue de façon frénétique érotisme sordide (le viol d'Agnes distille un climat pervers particulièrement voyeuriste) et charnel (sa coucherie nocturne avec Martin lors d'un bain vaporeux éclairé de candélabres). L'ambition provocatrice de Verhoeven insufflant parfois même une poésie morbide singulière lorsque Agnes et Steven, réunis au coeur d'une prairie, roucoulent en dessous de deux pendus putréfiés ! Superbement photographié dans des décors naturels tantôt crépusculaires et magnifié par la vigueur d'une mise en scène virtuose, la Chair et le Sang est une perpétuelle bravade à transgresser la vérité historique d'une époque médiévale dénuée de moralité. Son pouvoir de fascination prégnant émanant principalement de la caractérisation de ces protagonistes subversifs, tour à tour délétères, sournois, équivoques, qui plus est, gagnés par la peur expansive de la peste bubonique. Pour ce faire, la dernière partie illustrant la panique des mercenaires empoisonnés par l'eau provoque malaise, ad nauseum chez le spectateur. De par son réalisme malsain, le réalisateur distille une ambiance de claustration, nous enivre les sens face à l'odeur putrescente de quartiers de viandes avariés, vulgairement découpés sur un chien mort car envoyés par l'antagoniste sur la tête des occupants ! Le fanatisme religieux et son emprise sur les utopistes est également traité à travers le personnage du cardinal guidant ses amis vers un destin (ironiquement) moribond (la propagation de la peste). Et ce par le truchement spirituel de sa statue St-Martin. Ainsi, à travers le destin misérable de cette poignée de brigands sans vergogne, la Chair et le Sang décrit avec force et souci d'authenticité l'instinct de survie chez l'être humain voué à corrompre, trahir et assassiner au prix de la liberté, l'amour ou la cupidité. Mais l'ascension de la renaissance, l'évolution de l'obscurantisme et les nouvelles techniques de la médecine laissent néanmoins augurer un regain d'humanité, un cheminement progressif à travers l'inconscience de ses preux antagonistes. 


Sublimé de la présence diaphane de Rutger Hauer et de la délicieuse Jennifer Jason Leigh (plus équivoque, lascive et impudente que jamais !), La Chair et le Sang constitue LE chef-d'oeuvre médiéval de premier choix en dérogeant la norme traditionnelle du divertissement imberbe. En résulte une oeuvre provocatrice à l'odeur de souffre parfois nauséeuse (la religieuse mortellement blessée au crane par l'entaille d'une épée, l'accouchement du bébé mort-né, la fillette moribonde atteinte de la peste) mais pourvu d'une ambition intègre à reconstituer une épopée flamboyante, aussi bien foisonnante que débauchée. 

19.09.12. 4
Bruno Matéï

 

Apport technique du blu-ray: 9/10



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