lundi 14 mai 2012

L'Etrangleur de Boston / The Boston Strangler

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Richard Fleischer. 1968. U.S.A. 1h56. Avec Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy, Mike Kellin, Hurd Hatfield, Murray Hamilton, Jeff Corey, Sally Kellerman, William Marshall, George Voskovec.

Sortie salle France: 30 Octobre 1970. U.S: 16 Octobre 1968.

FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn,  et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieux sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.


"Voici l'histoire d'Albert DeSalvo qui a avoué être l'étrangleur de Boston. Les personnages et incidents que vous allez découvrir sont basés sur des faits réels." 

En 1968, Richard Fleischer transpose à l'écran avec une ambition révolutionnaire (souci de réalisme, défi technique, casting iconique) le roman de Gerold Frank pour relater les méfaits meurtriers du célèbre étrangleur, Albert Henry DeSalvo. Car entre le 14 Juin 1962 et le 4 Janvier 1964, ce père de famille aurait étranglé treize femmes à leur domicile. Il est ensuite arrêté par la police et condamné à l'emprisonnement à perpétuité. Néanmoins, en 2001, les analyses d'ADN effectuées sur la dernière victime remettent en cause la culpabilité de DeSalvo. L'enquête reste ouverte... 
SynopsisUn étrangleur sévit dans la contrée de Boston. Une véritable psychose s'empare de la population face à l'impuissance de la police pour l'appréhender. Les meurtres s'enchaînent jusqu'au jour où un homme est arrêté pour tentative d'effraction chez une locataire d'immeuble. 


Réalisé avec souci documentaire à travers sa scrupuleuse mise en scène novatrice, la première partie de l'Etrangleur de Boston est une captivante investigation criminelle régie par les forces de police mais récupérée ensuite par le procureur général Bottomly. Avec l'innovation du procédé "split screen" (écran scindé en diverses cases pour suivre en continu les actions simultanées des personnages et de leur  environnement qu'ils arpentent indépendamment), le réalisateur nous relate une enquête minutieuse établie par la police pour tenter de contrecarrer le dangereux criminel. S'en prenant aux dames âgées ou aux jeunes femmes esseulées, l'étrangleur créé une telle psychose auprès de la populace que les forces de l'ordre renforceront une traque inlassable auprès des potentiels accusés. Dès lors, une jungle de déséquilibrés tous azimuts défilent sous nos yeux ! Pervers, voyeurs, exhibitionnistes, gays (suspectés), fétichistes, violeurs et autres paraphiles sont systématiquement perquisitionnés à leur domicile, voirs parfois arrêtés pour être entendus lors d'une garde à vue. Alors que la liste des meurtres s'allonge inexorablement, la police désarmée est même contrainte de faire appel à un expert extralucide pour tenter vainement de recueillir des infos édifiantes sur le tueur en série. Cette première partie passionnante de par son aspect docu aussi richement fouillé qu'inquiétant nous plaque au siège sans céder au zèle ou au racolage à travers sa galerie de personnages peu recommandables.


Mais le second acte (inopinément) expérimental, beaucoup plus acéré, glaçant et proprement terrifiant, nous dévoilera enfin le véritable visage du tueur de Boston. Le portrait banal d'un aimable père de famille vivant sereinement dans l'harmonie du bonheur conjugal. Un époux aimant entouré de ses deux filles, confortablement installé dans son canapé pour s'émouvoir de la mort du président Kennedy retransmis en direct à la TV. Ainsi, après son arrestation d'une tentative d'effraction chez un particulier, nous suivrons le tête à tête cérébral entre le procureur John S. Bottomly et Albert DeSalvo, emprisonné dans un institut psychiatrique car reconnu mentalement dérangé. Ce face à face terriblement intense entre les deux rivaux décuple son impact fascinant pour observer scrupuleusement le portrait pathétique d'un serial killer victime de sa condition monomane. Et donc, en tentant de découvrir la véritable identité du coupable présumé par l'entremise du titulaire juridique, Richard Fleischer s'efforce de rationaliser les tourments schizophrènes de ce dangereux malade confiné dans ses souvenirs morbides du fait de son dédoublement de personnalité. Parmi le jeu infaillible de deux illustres comédiens pleins de charisme renfrogné, l'Etrangleur de Boston y transcende une "obsession cauchemardesque" par le biais d'une personnalité psychotique à personnalité multiple. Cette détresse humaine exprimée par ce père de famille dérangé, car incapable d'y distinguer la réalité de ses hallucinations, distille un malaise tout à tour éprouvant, malsain, hypnotique, pour ne pas dire littéralement vertigineux. Des séquences d'anthologie que l'on percute de plein fouet à travers notre impuissance morale de venir en aide à l'assassin victime de sa schizophrénie criminelle. 


Immortalisé par l'interprétation transie de Tony Curtis (saisissant de vérité torturée par son regard impassible perdu dans le vide !) et mis en scène avec une maestria toujours aussi impressionnante,  l'Etrangleur de Boston se décline en chef-d'oeuvre du thriller psychotique. L'avant- garde de bon nombre de portraits de tueurs en série que le cinéma vérité se réappropriera plus tard avec souci de crudité (les Tueurs de la lune de miel, Henry, Schizophrenia, Maniac, etc...). Une oeuvre aussi fortement troublante que dérangeante provoquant également la controverse sur la culpabilité d'un maniaque inconscient de ses actes morbides. A savoir, le questionnement moral d'une société à défricher l'identité du meurtrier et entreprendre un traitement thérapeutique adapté aux personnes violentes. Pour parachever, la confrontation psychologique amorcée entre Fonda et Curtis donne lieu à un grand moment de cinéma où la charge émotionnelle demeure à son acmé, si bien que les âmes sensibles risquent d'en être psychologiquement ébranlées. 

*Bruno Matéï
15.03.22. 5èx
14.05.12. 

A ne pas rater également, le second chef-d'oeuvre de Fleischer, réalisé 3 ans plus tard:  http://brunomatei.blogspot.fr/2011/06/letrangleur-de-rillington-place-10.html

Les suites aléatoires de l'affaire DeSalvo (source wikipedia)
Albert DeSalvo est arrêté par la police et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.
Le 25 Novembre 1973, Albert DeSalvo est retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Walpole, Massachussetts, poignardé à plusieurs reprises dans le coeur. Le directeur de la prison évoque une bagarre et un trafic de drogue auquel Albert DeSalvo aurait été mêlé. On ne retrouva jamais son assassin.

Néanmoins, un doute persiste sur sa culpabilité.
Les analyses ADN faites en 2001 sur la dernière victime de l'Etrangleur écartent la piste DeSalvo. En effet, la police scientifique de Boston a trouvé des traces d'ADN de deux individus sous les ongles et le sous-vêtement de la victime, aucun des deux n'est Albert DeSalvo. L'affaire de l'étrangleur de Boston n'a jamais été élucidée et personne n'a été jugé pour ces meurtres.

3 commentaires:

  1. Si un poil en deça, par un rien trop d’acting, de perfomance to-get-Award, la seconde partie du présent film offre un même et épatant souci documentaire, une méticulosité quasi clinique que l’ensemble de l’affaire. Une affaire riche et ample, intense et appliquée, à la plastique remarquable (un split-screen formidable architecture savamment et activement de nombreuses scènes, tantôt chorales tantôt intimes), et qui propose une enquête froide et consciencieuse, sans passion ni flamboiement, tout au plus une poignée de préjugés qui finissent d’ailleurs par voler en éclats. Car observant les mœurs, les us (et les déviances sexuelles parfois) de ses compatriotes late-60’s, le film –et ses protagonistes- tente de modifier le point de vue, d’assouplir la vision et de comprendre davantage ses contemporains et leurs détresses (ou leurs simples inclinaisons) plutôt que les fustiger, les catégoriser ou les humilier -là une pédale, là un dragueur pathétique, là un fétichiste dégénéré, …- (Fonda allant même jusqu’à s’excuser de sa rudesse auprès d’un riche antiquaire homo (dénoncé par un duo de harpies parce que Sade et les indiens Thugs siégeaient dans sa bibliothèque)).
    Précis, vaste, graphique et humaniste…au point d’en faire une sorte de fusion entre Douze Hommes en Colère (en moins plaidoyant) et Le Voyeur (en moins vénéneux) !

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  2. Très agréable à lire mais je me permets de nuancer ta critique ici:

    http://www.lepasseurcritique.com/dvd-blu-ray/l-etrangleur-de-boston.html

    Je n'ai pas trop aimé le film. La performance de Tony Curtis est parfaite mais tellement loin de la réalité. On nous fait croire que ce personnage existe. On est plus près de Psychose ou du Voyeur. Dieu sait si j'adore ces films mais ils ne sont que de mises en scène de maladies mentales improbables et inexistantes.

    DeSalvo est un authentique pervers sexuel mais le film nous le dépeint comme un type présentant une double personnalité, peu convaincante et impensable en clinique. Dommage!

    Ps: le film n'est-il pas une adaptation du bouquin de Gerold Frank?

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  3. Gerald Frank, c'est bien ça tu as raison, je ne sais pas ou j'ai été chercher mon pseudo auteur ! Merci Daniel ^^

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