lundi 5 mars 2012

KILL LIST


de Ben Wheatley. Angleterre. 2011. 1h30. Avec Neil Maskell, MyAnna Buring, Harry Simpson, Michael Smiley, Emma Fryer, Struan Rodger, Esme Folley, Ben Crompton, Gemma Lise Thornton, Robin Hill, Zoe Thomas.

Sortie salles France: Juillet 2012. U.S: 3 Février 2012

FILMOGRAPHIE: Ben Wheatley est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur anglais.
2009: Down Terrace
2011: Kill List
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Second film d'un réalisateur anglais méconnu (son 1er long est resté inédit en France), Kill List est un nouvel ovni sorti de nulle part mais précédé d'une réputation particulièrement élogieuse partout où il fut projeté. Réaliste, sombre, lattent et ombrageux, sa narration abstraite passant d'un genre à un autre ne pourra laisser personne indifférent, au risque de déconcerter ceux qui n'étaient pas préparer à ce brutal revirement de tons.

Un duo de tueurs à gage reprennent du service et sont contraints sous l'allégeance de leur patron de supprimer trois individus spécifiques: un prêtre, un bibliothécaire et un député. Mais leur juteux contrat va les mener vers une irrémédiable descente aux enfers. 
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Ca débute comme un drame social avec le portrait conjugal d'un couple en précarité financière pour s'engager ensuite vers le polar moite et ultra violent dans la dérive meurtrière de deux tueurs professionnels. Alors que sa dernière demi-heure amorce un dernier virage impondérable pour bifurquer in extremis vers une horreur païenne où l'on cherche encore le sens mystique de cette confrérie (du moins, de mon point de vue personnel).
Jay, ancien belligérant marqué par les traumatismes d'une guerre ukrainienne va devoir reprendre les armes sous son ancien profil de tueur à gage afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est grâce à l'aide de son compagnon Gal qu'ils vont pouvoir entreprendre un nouveau contrat sous l'injonction d'un patron opiniâtre. C'est à dire exécuter de sang froid trois individus liés à un sordide réseau pornographique. Mais Jay, davantage erratique dans ses élans meurtriers d'une extrême violence va peu à peu se laisser happer par sa peur et sa paranoïa, alors qu'un piège est entrain de se refermer contre eux.
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Voilà en gros le résumé d'une narration interlope qui ne cesse d'alterner les ruptures de ton en nous embarquant dans une virée sanglante de deux tueurs professionnels pris au dépourvu.
Dans une ambiance lourde et oppressante, amplifiée par l'opacité d'une partition musicale éprouvée, les personnages marginaux de Kill List nous sont préalablement décrits comme des personnages plutôt anodins. Si ce n'est que Jay et sa ravissante épouse entament une relation parfois véhémente dans leur mésentente lié à un problème financier. Son ami Gal semble beaucoup mieux épanoui avec sa nouvelle maîtresse toute aussi ténue mais discrète et insondable. Ces quatre personnages nous sont donc présentés de prime abord comme des citoyens modestes issus de classe moyenne. Mais rapidement, un indice suspicieux dévoilé par l'une des protagonistes réfugiée dans une salle de bain va nous être établi sans pouvoir démanteler sa véritable signification. La structure narrative va ensuite monter d'un échelon son caractère trouble en ascension avec la révélation professionnelle exercée par Jay et son acolyte de toujours, Gal, compromis à une organisation criminelle. Dans une réalisation maîtrisée au montage elliptique, Kill List tisse lentement sa toile d'araignée dans lequel nos deux tueurs à gage vont lamentablement s'y laisser appréhender. Leur relation parfois orageuse, leur éthique réfutant toute croyance spirituelle et leur doute compromis par certains éléments troublants vont peu à peu les confronter aux sombres exactions d'une divinité païenne.
Avec quelques détails hermétiques qui vont venir alimenter un mystère adroitement entretenu et la déchéance psychologique du personnage principal (l'entaille faite au couteau à la main de Jay par son boss taciturne, le remplaçant du médecin à la posture trop confiante, le témoignage de gratitude exclamée par chacune des victimes avant de trépasser), ce voyage au bout de la nuit nous happe peu à peu dans un dédale terriblement insidieux confinant au malaise.
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Parfaitement interprété (les 2 comédiens principaux sont surprenant de naturel et de flegme impassible dans leurs exactions sanguinaires) et mis en scène avec un réalisme acéré par ces éclairs de violence barbare parfois insupportables, Kill List attise l'anxiété et décuple son caractère mortifère dans un alliage de genres savamment combinés. Même si la narration complexe est loin de dévoiler la véritable nature des enjeux mystiques, cet ovni déroutant laisse au final une forte impression d'avoir vécu quelque chose d'insondable et d'irrésistiblement malsain. Une seconde vision est même à prodiguer au plus vite tant le film regorge d'indices sous-jacent restés en suspension, ce qui nous laisse donc sur un sentiment de doute intentionnel. 

05.03.12
Bruno Matéï

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