jeudi 29 décembre 2011

L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL (L'uccello dalle piume di cristallo)


de Dario Argento. 1969. Italie/Allemagne. 1h38. Avec Tony Musante, Susy Kendall, Enrico Maria Salerno, Eva Renzi, Umberto Raho, Renato Romano, Giuseppe Castellano, Mario Adorf, Pino Patti, Gildo Di Marco.

Sortie en salles en France le 20 Juin 1971. U.S: 12 Juin 1970

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Premier métrage de Dario Argento et seconde adaptation du roman de Fredric Brown (The Screaming Mimi), l'Oiseau au plumage de cristal est l'un des tous premiers Giallo contemporains, après que Bava en eut appliqué les règles en 1963 avec La fille qui en savait trop pour le transcender ensuite un an plus tard avec 6 femmes pour l'assassin. Après ce coup d'essai novateur, Argento est surnommé par la presse internationale le nouvel Hitchcock italien. Suite à son triomphe en salles, il influencera dans son propre pays une ribambelle de thrillers érotico-horrifiques dont les noms évocateurs de volatiles ou d'animaux seront parfois repris dans leur intitulé pour tenter de rameuter le public en masse. Un écrivain américain résidant à Rome est témoin devant la vitre d'une galerie de sculpture d'une tentative de meurtre sur une jeune femme. Hanté par cette vision d'effroi d'un tueur ganté, vêtu d'un imperméable noir, l'homme décide de faire sa propre enquête pour tenter de se remémorer une réminiscence non résolue et ainsi démasquer ce mystérieux assassin.


Comment oublier l'intensité de cette scène d'ouverture illustrant avec maîtrise technique le désarroi d'une jeune femme se faire poignarder par un mystérieux tueur vêtu de noir ! Une troublante séquence insolite émaillée de sculptures baroques en interne d'une galerie d'art et éclairée par la pâleur de cette chambre théâtrale aux nuances noires et limpides. Pris au piège entre deux devantures de glaces vitrées, un quidam sera témoin d'une tentative de meurtre déjà perpétrée alors que le tueur réussit in extremis à prendre la fuite. Ce modèle de mise en scène distille déjà un sentiment anxiogène palpable au spectateur fasciné par son ambiance singulière et l'impuissance du témoin incapable de pouvoir porter assistance à une femme agonisante sauvagement blessée devant lui. Après ce prologue d'anthologie resté en suspens, notre héros se torture les méninges d'avoir omis un indice capital durant la vision de cette furtive agression. Délibéré à se remémorer une preuve manquante, son enquête le mènera vers l'interrogatoire de personnages excentriques ou marginaux plutôt déconcertants. Un tableau de peinture représentant une fillette poignardée par un tueur sous un décor enneigé, un bruit de volatile atypique et les voix trafiquées d'un interlocuteur finaud seront les indices capitaux pour tenter déjouer les odieux méfaits d'un meurtrier occultant un passé galvaudé.


Dans un habile dosage de suspense Hitchcockien et de séquences de meurtres sobres mais déjà porteurs de la signature du maître de l'esthète macabre, Dario Argento nous complote une passionnante énigme constamment surprenante car rivalisant d'indices et détails singuliers. Le réalisateur studieux sachant marier avec dextérité l'utilisation judicieuse du noir ténébreux contrastant avec la blancheur pour valoriser une ambiance aussi bien cafardeuse que charnelle. La comptine angélique d'Ennio Morricone va également accroître son aspect doucereusement trouble pour mettre en exergue une réminiscence traumatique liée à l'enfance du meurtrier. Le caractère insolite de certains décors de bâtisse auquel sont réfugiés les victimes démunies et le sadisme érotique octroyé à l'implication des meurtres nous séduisent d'inquiétude. De par notre sentiment répulsif mêlé de fascination face aux méfaits nuisibles d'un assassin rendu iconique par la mosaïque de vêtements opaques et scintillants. Ainsi, la séquence éprouvante auquel la femme du héros calfeutrée dans sa demeure car sévèrement pris à parti avec l'assassin tentant de pénétrer dans son foyer, joue de manière judicieuse avec nos nerfs en insufflant un climat claustrophobe au sein de ce huis-clos exigu.


Grâce à l'ingéniosité d'un scénario machiavélique falsifiant notre perception de la réalité, l'Oiseau au plumage de Cristal scande le giallo novateur parmi des séquences anthologiques saturées d'un suspense à couper au rasoir. Mis en lumière de manière esthétique dans les nuances contradictoires du noir et du blanc et utilisant avec virtuosité l'espace du cadre alambiqué, cette première oeuvre possède déjà tous les ingrédients d'un artiste inspiré, fasciné par la beauté morbide du meurtre et de son fétichisme sexuel. 

* Gaïus
29.12.11

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