vendredi 4 novembre 2011

KIDNAPPED (SECUESTRADOS). Mélies d'Argent à Espoo Ciné.


de Miguel Angel Vivas. 2010. Espagne. 1h22. Avec Guillermo Barrientos, Dritan Biba, Fernando Cayo, Cesar Diaz, Martijn Kuiper, Manuela Velles, Ana Wagener, Xoel Yanez.

Récompenses: Mélies d'Argent à Espoo Ciné.
Meilleur film, Meilleur Réalisateur au Fantastic Film Fest 2010.

FILMOGRAPHIE: Miguel Angel Vivas est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol.
1998: Tesoro (court-métrage). 2002: El hombre del saco (court-métrage). 2002: Reflejos (réflections). 2003: I'll See you in my Dreams (court-métrage). 2010: Kidnapped


Sélectionné au festival de Strasbourg 2011, Sitges 2010 et récompensé du Meilleur Film et Meilleur Réalisateur au Fantastic Fest 2010, Kidnapped est le second long-métrage d'un réalisateur espagnol déjà multi-récompensé auprès de courts-métrages. Mais rien ne semblait présager l'émotion traumatique qu'allait engendrer cet électro-choc dénonçant avec rigueur le phénomène inquiétant de la violence urbaine sur le territoire ibérique, l'"enlèvement express". A savoir, kidnapper avec une extrême violence une famille lambda en un minimum de temps afin de leur soutirer de l'oseille. A Madrid, une famille aisée installée dans leur nouvelle demeure est victime de l'intrusion de trois individus cagoulés. Ligotés et menacés de mort, les parents ainsi que leur fille sont contraints de leur divulguer leur numéro de carte bancaire pour les monnayer. C'est le début d'une nuit de cauchemar auquel personne ne sortira indemne. 
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En tablant sur un canevas éculé mainte fois adapté au cinéma de genre (la Rançon de la peur, les Chiens de paille, la Maison des Otages, la Dernière Maison sur la gauche et plus récemment The Strangers), Kidnapped exploite le fameux filon du "home invasion", huis-clos dédié à l'efficacité d'un suspense exponentiel chez une famille lambda séquestrée par des malfrats sans vergogne. Le préambule persuasif dans sa verdeur acerbe, car illustrant un individu ligoté allongé sur le sol, nous impressionne lorsque celui-ci suffoque à l'aide d'un sac plastique sur la tête. Après avoir réussi à rejoindre une chaussée, une nouvelle estocade nous est assénée après que ce dernier eut composé un appel téléphonique pour avertir sa famille. Avec la froideur d'une photo blafarde et d'une caméra agressive portée à l'épaule, l'ambiance oppressante s'insinue instinctivement auprès du spectateur déjà averti que le cheminement narratif sera loin d'être une partie de plaisir. Générique de début... Après nous avoir furtivement présenté le profil équilibré d'un couple de bourgeois et de leur adolescente, venus emménager dans leur nouvelle résidence, le réalisateur Miguel Angel Vivas va droit au but de son sujet pour nous asséner de plein fouet l'irruption brutale de trois individus cagoulés, implacablement déterminés à s'approprier du magot tant convoité. L'intensité de l'intrigue, c'est de nous immerger frontalement dans sa plus terrifiante et pénible quotidienneté. En effet, l'horreur perpétrée n'est ici nullement surnaturelle ou gentiment frissonnante mais bien ancrée dans la paisible rationalité d'un cocon familial en interne de leur foyer. Quoi de plus terrifiant et de déstabilisant qu'un groupe d'assaillants venus s'introduire dans leur maison au péril de la vie des propriétaires ! L'identification du spectateur auprès de la famille lambda s'avérant innée quand bien même l'interprétation spontanée des comédiens insuffle une émotion viscérale auprès de leur affliction psychologique. La nationalité de ces derniers méconnus dans l'hexagone nous permet en prime de nous familiariser auprès de leur trogne triviale.


Sans vouloir épater la galerie (à contrario d'un David Fincher pédant employant vainement la même prouesse technique dans son thriller Panic Room), le metteur en scène applique de manière récurrente les critères du plan-séquence et du split screen (écran scindé en deux pour suivre en temps direct deux actions simultanées) afin de mieux nous imprégner de l'ambiance incisive découlant du viol de cet environnement familial. Le sentiment de terreur oppressante proprement insupportable assénée aux victimes serviles est exacerbé d'un réalisme rugueux proche du documentaire. La famille sévèrement prise à parti, perpétuellement menacée et molestée, se confinant dans un climat intolérable de désespoir. Tant et si bien que le spectateur témoin de cet engrenage infernal de violence gratuite ne peut que subir et endurer ce que les victimes sont acculées d'admettre et de supporter. De prime abord et intelligemment, sa violence à la fois acerbe et brutale prime avant tout sur la psychologie tourmentée, humiliée des personnages plutôt que l'outrance démonstrative des sévices endurés, à l'exclusion d'un final eschatologique d'une barbarie insoutenable. De surcroît, les évènements drastiques et situations de danger encourus par nos protagonistes sont plutôt lestement pensés, crédibles, sans fioriture alors que d'autres nouveaux intervenants de l'histoire iront s'interposer afin d'accentuer un suspense davantage éprouvant pour la survie des innocents. Avec une maîtrise probante, Miguel Angel Vivas offusque le spectateur jusqu'au malaise tangible lors d'une descente aux enfers jusqu'au-boutiste. En nous posant notamment la fatale question de savoir ce que nous ferions en pareille situation d'effraction ! Il démontre également les risques irréversibles encourus du point de vue des malfrats véreux lorsqu'une situation échappe à leur contrôle. Néanmoins, leur caractérisation n'évite pas le stéréotype envers un des antagonistes, un peu plus compatissant, réfléchi, subitement conscient pour éluder un nouveau débordement meurtrier. Mais le réalisme sordide suintant de chaque situation intempestive et l'intensité imputée au climat de malaise transcendent finalement ce menu cliché.


Terrifiant au sens le plus viscéral du terme, oppressant et tendu à l'extrême, et affichant avec réalisme une brutalité cinglante, Kidnapped culmine sa besogne vers un traumatisant bain de sang. Point d'orgue peut-être discutable pour son outrance putanesque mais qui nous plonge dans un sentiment de paranoïa, d'inconfort et de peur palpable face à l'environnement faussement rassurant de notre foyer. Y émane durant 1h20 de projo une bombe d'adrénaline forcenée, un bad-trip discourtois à réserver à un public préparé. 

04.11.11
Bruno Matéï


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