mercredi 5 octobre 2011

LA CLOCHE DE L'ENFER (La campana del infierno/The Bells)

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Claudio Guerin. 1973. Espagne. 1h32. Avec Renaud Verley, Viveca Lindfors, Alfredo Mayo, Maribel Martin, Nuria Giemno, Christine Betzner, Saturno Cerra, Nicole Vesperini, Erasmo Pascual, Antonio Puga.

Sortie en salles en France en Août 1974.

FILMOGRAPHIE: Claudio Guerin est un réalisateur espagnol (1939 - décédé le 24 Février 1973)
1965: Luciano (T.V). 1966: La Corrida (T.V). 1969: Los Desafios (T.V). 1972: La Casa de las palomas. 1973: La Cloche de l'Enfer


Second et dernier long-métrage de Claudio Guerin, La Cloche de l'Enfer fait office de chef-d'oeuvre maudit par son ironie macabre encadrant le secret du titre du film. En effet, le réalisateur mourut accidentellement l'ultime jour du tournage en trébuchant du clocher qu'il avait exploité (certaines mauvaises langues évoqueront d'ailleurs un éventuel suicide). C'est d'ailleurs Juan Antonio Bardem qui aurait achevé son mémorable point d'orgue fantasmagorique. A sa sortie d'un centre psychiatrique auquel il fut injustement interné, Juan rejoint la demeure de sa tante, responsable de son emprisonnement. Ces trois cousines sont également logées à la même enseigne gothique de la tutrice. Juan va alors préméditer une vengeance implacable contre sa propre famille condescendante. Cette perle rare et oubliée, exportée de l'Espagne franquiste, est une oeuvre hypnotique au pouvoir de fascination prégnant dans sa mise en scène quasi expérimentale débordante de trouvailles poético-macabres. Avec l'entremise d'un scénario impondérable, structuré de manière perfide, La Cloche de l'Enfer ne cesse de surprendre le spectateur embarqué dans un étrange conte gothique d'une beauté diaphane à couper le souffle ! Nombre de séquences faisant intervenir volatiles, insectes, vertébrés aquatiques ou mammifères évoluant autour d'une nature sauvage nous transportent dans un environnement blême impénétrable. Privilégié par une photographie ocre transcendant la beauté de ces images insolites, l'aventure vengeresse de Juan est une perpétuelle immersion vers l'inconnu.


Tout le génie émanant d'une réalisation iconoclaste bousculant les règles du genre dans une structure aussi anarchiste qu'insidieusement planifiée. La quête vindicative de notre héros interlope, usant de subterfuges pour se railler de ses invités familiers, intrigue le spectateur interloqué par ce jeu sarcastique avec la mort. Après que sa mère émancipée se soit suicidée, Juan va être injustement condamné de ce deuil maternel par la faite d'une tante perfide appâtée par un héritage. Dès lors, après avoir été enfermé et drogué dans un centre psychiatrique, le fils revanchard décide d'accomplir auprès des responsables de son internement un rituel savamment réfléchi dans un jeu de farces et attrapes risibles. Paradoxalement, c'est après avoir exercé quelques jours dans un abattoir auquel les animaux sont traditionnellement égorgés, désossés et dépecés (une séquence particulièrement pénible et dérangeante au vu de son authenticité) qu'il décide de passer à l'acte comme si sa profession l'avait aménagé à endurer la vue du sang et l'odeur morbide. Durant son cheminement hermétique, nous établissons la rencontre de personnages obscurs (le sdf réfugié dans une cabane), troubles et sournois (la tante renfrognée et les trois cousines au caractère bien distinct), ou pervers et erratiques (comme ces quatre quinquagénaires sur le point de violer une gamine esseulée aux abords de la forêt). Un mystérieux film de souvenir familial tourné en super 8 semble dévoiler les rapports masochistes de Juan avec ces 3 cousines complices, alors que l'une d'entre elles était éprise d'affection pour lui. De surcroît, une célèbre comptine (Frère Jacques, sonne les matines !) est régulièrement fredonnée par des voix enfantines annonçant implicitement le fameux chapitre final à tiroirs auquel un personnage clef va subitement intervenir. Chaque séquence inopinée dévoilant ingénieusement des situations insolubles à présager, une manière habile d'exacerber ce sentiment rare de vivre une expérience horrifique hors des sentiers battus. Là où chacun des protagonistes suspicieux, perplexes et aigris de leur existence nonchalante, semble errer dans un environnement blafard. On peut justement souligner en sous texte social le côté marginal et sexuellement émancipé du personnage principal (ses coucheries antécédentes avec des prostituées mais aussi avec l'une de ses cousines) mis en relief avec la bourgeoisie traditionnelle d'une tante rétrograde. Comme si le réalisateur semblait vouloir braver la dictature de son époque franquiste. Un gouvernement autoritaire et despotique régie de 1939 à 1975 par le chef de l'état et militaire  Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde.


Habité par la prestance équivoque de femmes sexuellement refoulées et surtout par l'interprétation nébuleuse, car faussement docile, du français Renaud Verley, La Cloche de l'Enfer symbolise la rareté atypique tant il s'avère impossible d'évacuer l'étrangeté de son climat désincarné. Transcendé par une réalisation audacieuse et d'un parti pris esthétique rivalisant d'inventivité formelle, ce chef-d'oeuvre insolent est apte à se classer parmi les plus beaux specimens du fantastique ibérique.

05.10.11.   3
Bruno Matéï
                                       

2 commentaires:

  1. Je sais pas pouquoi il m'attire ce film, j'attend patiamment la critique.
    Sauf que maintenant je sais qui à piquer mes gouaches à la maternelle…Niarrrrrrkk

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  2. Jamais vu, ta critique me met la bave aux lèvres! je crois que le 28... (tu connais la suite!) :D

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