mardi 2 août 2011

RESERVATION ROAD


de Terry George. 2007. U.S.A. 1h42. Avec Jennifer Connelly, Joaquim Phoenix, Mark Ruffalo, Elle Fanning, Mira Sorvino, Eddie Alderson, Gary Kohn, John Slattery, Sean Curley.

Inédit en Salles.

FILMOGRAPHIE: Terry George est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 20 décembre 1952, en Irlande du Nord.
1996: Some Mother's Son
1998: A Bright Shining Lie (tv)
2004: Hotel Rwanda
2007: Reservation Road

                          

Hommage subjectif d'un puriste amateur affecté.
Après son drame inoubliable sur le génocide rwandais dans Hotel Rwanda, Terry George renoue trois ans plus tard avec une tragédie familiale d'une sobre intensité émotionnelle. Honteusement inédit en salles, Reservation Road aborde avec gravité et sans esbrouffe de pacotille l'impossible deuil de la perte d'un enfant, fauché accidentellement par une voiture dont le conducteur s'est résolu à prendre l'escampette. 

Ethan et Grace forment un couple harmonieux parmi la présence docile de leurs deux enfants équilibrés. Un soir, le fils est violemment percuté par une voiture roulant à vive allure. Le chauffard en question, un avocat qui accompagnait son fils chez son ex femme, décide de prendre la fuite, éprouvé d'une peur panique d'avoir perpétré un évènement aussi dramatique. Les parents anéantis par la mort de leur enfant décident désespérément de retrouver l'assassin présumé.

                            

Avec un sujet aussi grave et brûlant, la perte d'un enfant fauché par la voiture d'un conducteur inhibé par son acte répréhensible, Reservation Road aurait pu facilement sombrer dans le mélo pompeux et lacrymal. Avec l'intelligence d'un réalisateur humble et modeste, cette histoire en apparence convenue réussit à transcender ses conventions par la grâce tempérée des comédiens tous impliqués de manière prude et la dextérité de ne pas porter de jugement moralisateur sur le bourreau incriminé ou la victime éprise de justice individuelle.
Ce qui favorise la force et l'intensité du récit est centré sur ce duel psychologique entre deux père de famille antinomiques auquel nous allons suivre en parallèle leur état d'âme et leur blessure secrête fustigées dans la rancoeur, la haine, le désespoir et l'exutoire rédempteur.
Terry George réussit avec justesse et sans une once de complaisance à nous émouvoir à travers le destin brisée d'une famille qui était épanouie par l'aubaine conjugale affiliée à l'amour infantile. Après un préambule bouleversant dans l'homicide accidentellement perpétré envers un enfant, le réalisateur nous fait partager les douloureux moments de doute et d'angoisse d'un couple endeuillé, incapable de surmonter la mort de leur progéniture, frappée de plein fouet par la voiture d'un quidam lâche pour son acte involontairement criminel. Toutes ses séquences intimistes qui illustrent les relations tendues et orageuses envers le couple démuni au bord du marasme sont remarquablement mises en contraste avec le rapport affecté entre le chauffeur incriminé, un avocat réputé épris de tendresse pour son jeune fils séparé de l'union conjugale, réfugié dans la passion sportive du basket ball. A travers ces deux portraits de pères involontairement liés par un deuil familial, Terry George détourne la convention requise de l'assassin immoral éludé d'une quelconque repentance. En effet, il s'attache ici à accorder autant de profondeur aux victimes incapables d'assumer la mort de leur enfant mais aussi au criminel orgeuilleux finalement épris d'humanité envers l'amour paternel. Un rival tourmenté profondément perturbé par son acte irresponsable, constamment rongé par la culpabilité jusqu'à envisager la rédemption dans une cellule de prison en se livrant courageusement à la police.
En point d'orgue décisif et radical, Reservoir Road amène également une réflexion sur la justice expéditive et de quelle manière salvatrice un homme envahi par la colère, avide d'équité et d'impartialité, pourrait éventuellement changer d'avis en dernier ressort.

                          

Une fois de plus, le robuste Joaquim Phoenix délivre une poignante interprétation dans sa douleur surmenée d'un père endeuillé incapable de concevoir l'insouciance d'un chauffard en liberté.
Un homme traumatisé, replié sur lui même, hanté par l'iniquité mais insinueusement irascible dans sa détermination de prendre l'enquête à bras le corps contre l'impotence des autorités. A moins  d'entamer en désespoir de cause une démarche beaucoup plus radicale et expéditive dans son esprit autodestructeur de s'octroyer d'une justice individuelle suicidaire. La ravissante Jennifer Connelly apporte son soutien maternel avec une spontanéité dépouillée dans celle d'une mère submergée de douleur par cette tragédie fortuite mais un peu plus pondérée et nuancée dans sa quête chétive de renouer avec l'affection et la tendresse de leur vie maritale en chute libre. Leur rival indigne est endossé par l'excellent Mark Ruffalo, tout aussi impressionnant, pathétique et affligeant dans sa prise de remord et sa lourde conscience galvaudée par l'accident meurtrier d'une mort infantile. De prime abord, apeuré et faussement insidieux dans son égoïsme lattent, le criminel malgré lui va lentement se résigner à aseptiser son impardonnable faute d'avoir annihilé la vie d'un innocent juvénile.

                          

Remarquablement mis en scène sans effet de pathos et interprété avec une justesse de retenue par des comédiens essentiels, Reservoir Road est un bouleversant drame psychologique sur la perte chère d'un enfant brutalement soutiré à sa famille et sur la quête de justice qui en résulte pour la responsabilité de l'assassin laissé en liberté. Son message lucide de tolérance contre l'animosité souhaite énoncer que la seule raison de renoncer à la violence jusqu'au-boutiste est de savoir percevoir dans les yeux de son bourreau une potentielle lueur d'humanité pourfendue par le regret et la culpabilité.

Dédicace à Pascal Frezatto.
02.08.11.
Bruno Matéï.                        

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