samedi 12 mars 2011

DERNIERE SORTIE POUR BROOKLYN (Last exit to Brooklyn)

                        

de Uli Edel. 1989. U.S.A/ Angleterre/ Allemagne. 1H42. Avec Stephen Lang, Jennifer Jason Leigh, Burt Young, Peter Dobson, Jerry Orbach, Stephen Baldwin, Jason Andrews, James Lorinz, Sam Rockwell, Maia Danziger...

L'ARGUMENT: Brooklyn dans les années 1950, où prospèrent corruption et violence. Une galerie d'êtres humains livrés à eux même vont tenter de survivre dans un no man's land sans espoir d'une éventuelle rédemption.

POINT DE VUE POSITIF: Uli Edel est un réalisateur prolifique, scénariste, producteur et monteur allemand responsable d'une pléthore de séries TV, télé-films et longs-métrages concoctés entre 1971 et 2010 côtoyant parfois le pire comme "Body" (1993) avec Madonna ou le meilleur avec "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." (1981) ou plus récemment "l'Anneau Sacrée" (2004).
Réalisé en 1989, "Last exit to Brooklyn" est l'adaptation du roman, composé de six nouvelles implacables, d'Hubert Selby, décrivant le monde des déclassés du quartier de Brooklyn dans les années cinquante. En 1964 à sa sortie le livre de Selby fut interdit dans plusieurs Etats et un procès retentissant eut lieu à Londres.

                                          

Dans l'Amérique des années 50 au pays des déshérités, une poignée de personnages largués tente de survivre dans un quartier malfamé pour leur quête identitaire éperdue enfouie dans une profonde humanité qu'ils ne parviendront pas à extérioriser et embrasser.
Uli Edel nous entraine sans détour dans une descente aux enfers nonchalante, implacable avec son lot de marginaux aseptisés, aux bas intincts primaires incapables d'éprouver la moindre compassion envers leur potentielle victime. Face à des êtres davantage affaiblis par leur environnement précaire, en perpétuel questionnement existentiel dont l'inégalité sociale ne pourra les remettre au cheminement de la docilité.
Harry Black, syndicaliste rebelle, n’éprouve plus de désir charnel pour sa femme après lui avoir sauvagement fait l'amour (la scène est brute et surprend par son effet de surprise sans concession). En rencontrant Virginia, un travesti, il s’apercevra de son homosexualité. Mais cet amour factice rencontrera une terrible destinée dans une hypothétique tentative de viol d'un adolescent hagard.
Un père de famille italien refusera obstinément à ce que sa fille entame les liens du mariage pour quitter son cocon familial et entreprendre sa nouvelle vie maritale. S'ensuit quelques règlements de compte induits en affrontement physique entre ce patriarche hautain, obtu et bas de plafond et le beau fils à la personnalité anodine sans ambition particulière.
Tralala, une jeune prostituée pulpeuse et paumée va rencontrer un jeune soldat la veille de son départ pour une mission en guerre de Corée. Leur destinée fatale et sans retenue s'épousera dans un abject viol en réunion improvisé, entrepris sur cette chair désincarnée prise de conscience de son échec sentimental.
L'ignorance du danger, la colère réprimande réduite à une aveuglante forme de suicide pour un lynchage permissif démesuré affiné à la bestialité de la bassesse humaine.

                                          

Des personnages meurtris, pathétiques, miséricordieux, déchus en proie à leurs angoisses, leur désir, leur volonté de cueillir et apprivoiser leur âme humaine qui ne feront qu'effleurer un bonheur insondable.
Mis en cause par une éducation éhontée, écornée, sans foi ni loi ou l'homophobie, le racisme, la violence gratuite, les beuveries dans les bars crasseux et les larcins quotidiens s'imposent pour régner en maitre.
Le vice et la haine à chaque étage d'une échelle sociale cimentée dans la pauvreté et la misère affective.

Dans le rôle de Harry Black, Stephen Lang se révèle inné dans son personnage étrange en demi-teinte dans une valeur morale intermédiaire à cause d'une sexualité refoulée et d'un refus de se subvenir à l'autorité dictatoriale. Tour à tour ambigu, révolté, bouleversant dans son regard vide et anxiogène davantage anéanti par la détresse finale d'une solitude inconsolable.
La jeune prostituée Tralala interprétée avec tempérament par la ravissante Jennifer Jason Leigh sait se montrer autoritaire et rebelle mais aussi fragile, blessée, esseulée, violée dans sa propre chair. Elle laissera place à un irrésistible besoin maternel (la scène finale avec le jeune adolescent en motocyclette) après avoir été éprise du sentiment amoureux inabouti.

                                         

"Dernière sortie pour Brooklyn" est un cauchemar âpre, dur et sans espoir, englué dans le désespoir et le destin sans éclat de personnages bouleversants dans leur humanité orientée au bord d'un précipice. Un portrait décadent, désenchantée de l'âme humaine livrée à ses plus bas instincts malsains dont on ne pourra sortir indemne. Beau, triste et sordide à la fois.
22.07.10.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire