dimanche 27 février 2011

KINATAY (massacre)

Prix de la mise en scène à Cannes 2009
(avis subjectif d'un puriste amateur)


de Brillante Mendoza. 2009. Philippines. 1H45. Avec Mercedes Cabral, Julio Diaz, Jhong Hilario, Maria Isabel Lopez, Coco Martin, Mark Meily, Lauren Novero, John Regala...

FILMOGRAPHIE: Brillante Mendoza, ou Brillante Ma. Mendoza, est un réalisateur philippin né le 30 juillet 1960 à San Fernando.
  • 2005 : Masahista
  • 2006 : Kaleldo
  • 2006 : Manoro
  • 2007 : Pantasya
  • 2007 : John John (Foster Child)
  • 2007 : Tirador
  • 2008 : Serbis
  • 2009 : Kinatay
  • 2009 : Lola


VIOL ET CHATIMENT.
Récompensé du Prix de la mise en scène à Cannes 2009, Kinatay est l'un des derniers films sulfureux de la croisette qui aura autant divisé les conquis que les perplexes face à cette descente aux enfers aussi sordide que tristement actuelle dans la retranscription "live" d'un fait divers crapuleux vouée à la bassesse humaine et l'avilissement.
Difficile alors de sortir indemne après une telle expérience inhumaine aussi insupportable que bestiale, au risque de vous hanter longtemps après le générique de fin.

Peping, un jeune étudiant en criminologie âgé de 27 ans va travailler le temps d'une soirée pour le compte d'un gang de Manille. Son activité primaire d'homme de service lui permettra de recevoir en échange une somme d'argent conséquente pour subvenir aux besoins de sa fiancée et celui de son fils. Mais cette nuit d'horreur va le marquer à jamais dans sa conscience souillée d'avoir été témoin malgré lui de l'immondice humaine.


Dans une mise en scène alerte ancrée au cinéma vérité, le réalisateur Brillante Mendoza nous invite de prime abord à une ballade touristique dans la localité de Manille située aux Philippines. C'est la vie conventionnelle du jeune Peping que nous allons suivre durant la première partie comme cette leçon pédagogique inculquée dans l'impertinence des élèves à l'école de police ou le fait plus harmonieux qu'il parte assister à l'union maritale d'une assemblée d'élus dans une salle festive bondée. Avant de finalement retrouver sa famille au gré d'un déjeuner amical dans le restaurant d'un flunch convivial.
Au dela de ces moments intimes et futiles, de nombreuses séquences prises sur le vif de la vie quotidienne des citadins locaux nous seront axées à l'aide d'une caméra mobile fixée sur l'épaule.
Ce n'est qu'à la nuit tombée que l'ambiance frivole, parmi la population massive d'une ville en ébullition, va doucement s'étioler pour nous faire pénétrer à l'intérieur d'un night club dépravé. Nous allons suivre après coup à la sortie de cet endroit putassier, quasiment en temps réel, la virée nocturne de Peping et cette bande de briscards crapuleux qui ont décidé de kidnapper une jeune droguée prostituée, incapable de payer leur somme sollicitée.
Furtivement désorienté et perturbé par la violence bestiale commise sur la victime par ces bourreaux, réunis dans l'étroitesse d'une voiture roulant en pleine agglomération nocturne, le jeune garçon contrarié et désarçonné va lentement perdre pied face à cette labeur continuelle.
Cette longue séquence déstabilisante inscrite dans la banalité d'un quotidien soudainement glauque et inquiétant nous entraine dans une errance opaque terriblement anxiogène. Durant plus de vingts minutes, nous allons suivre cet itinéraire routier morne et hasardeux vers une lointaine destination pour accéder à un point de chute irréversible.
C'est ici, dans la pièce aménagée d'un sous-sol décrépit d'une sombre demeure que le basculement dans l'horreur la plus hideuse va s'octroyer.


A l'aide d'une continuelle partition musicale blafarde et bourdonnante faisant intervenir divers bruitages stridents, lourds ou perçants, l'ambiance suffocante hautement malsaine va lentement nous étreindre jusqu'à ce que l'agression fatale et insoutenable nous achève de plein fouet.
Sans complaisance mais avec provocation et sens brutal du réalisme tangible, Brillante Mendoza dérange, provoque, perturbe, créé le malaise, voir l'écoeurement. Il traite de la violence ordurière sans aménager de concession libératrice, de la déchéance du Mal à l'état brut et surtout des conséquences psychologiques pour celui qui en sera malencontreusement témoin, impuissant d'agir et de pouvoir sauver la vie d'une prostituée condamnée.
C'est l'introspection pathétique de cet homme de 27 ans impliqué dans une agression putride, témoin apathique de l'image de  l'abomination, déchargé d'une quelconque audace ou d'un potentiel soutien envers la victime infligée.
Ce n'est qu'après l'horreur fustigée que le nouvel homme qui se regarde dans le miroir ne puisse reconnaitre le reflet de son innocence mais plutôt celui de percevoir la médiocrité de sa lâcheté ainsi que la peur craintive de sa propre identité . Une prise de conscience pervertie, à jamais souillée sans pouvoir accéder à une quelconque rédemption cathartique.


AUTONOMIE D'UN MASSACRE.
Interprété par le jeu naturel et dépouillé de comédiens convaincus, baignant dans une ambiance cauchemardesque d'une sévère rigidité, Kinatay est un film profondément malsain, trop éprouvant et nihiliste pour accéder à une certaine faveur ou une reconnaissance admise. Sa narration limpide, sans aucune surprise, mise en scène à la manière d'un reportage, en direct de la crudité des évènements consolidés dans l'immondice conclut sa devise dans la banalité du lendemain routinier. Pendant que la population éveillée débute sa journée matinale avant de découvrir un nouveau fait-divers macabre tristement actuel.
Un final abrupt sans morale pour notre héros corrompu, condamné à oublier ce dont il a été témoin, obliger de s'atteler à son devoir parental pour subvenir à sa tache familiale. Parce que le temps rotatif est infatigable et que l'humanité suspicieuse ou lamentée se noie dans l'égotisme personnel. Dans la banalité de l'existence manichéenne.
A réserver à un public adulte et averti.

17.12.10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire